Page:Revue des Romans (1839).djvu/148

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ci est vaincu et doit la vie à la générosité de son adversaire. L’Abencerage, chéri de la sœur et estimé du frère, est sur le point de renverser l’obstacle qui le sépare de celle qu’il aime, lorsqu’il découvre, par le chant de don Carlos qui célèbre les exploits du Cid, l’un de ses ancêtres, que cette famille est issue de celle des Bivar, et que don Carlos est fils du guerrier qui a tué le grand-père d’Aben-Hamet. Aussitôt le Maure, transporté de fureur, se fait reconnaître pour le dernier Abencerage, et déclare qu’il était venu à Grenade pour venger sur les Bivar la mort de son aïeul. « Sire chevalier, lui répond don Carlos, je vous tiens pour prud’homme et véritable fils des rois ; vous m’honorez par vos projets sur ma famille ; j’accepte le combat que vous étiez venu chercher secrètement. Si je suis vaincu, tous mes biens, autrefois les vôtres, vous seront fidèlement remis. Si vous renoncez au projet de combattre, acceptez à votre tour ce que je vous offre : soyez chrétien et recevez la main de ma sœur. » Aben-Hamet s’écrie : « Que Blanca prononce, qu’elle dise ce qu’il faut que je fasse pour être plus digne de son amour. — Retourne au désert ! » dit Blanca, et elle s’évanouit. Le Maure part et disparaît, l’Espagnole demeure inconsolable.

LES NATCHEZ, ouvrage publié pour la première fois dans les Œuvres complètes de l’auteur, dont il forme les tomes XIX et XX de l’édition de Ladvocat, 1826 et années suivantes. — Quoiqu’il ait plu à M. de Châteaubriand de décorer son livre du titre d’épopée de l’homme de la nature, aucun ne convient moins à cette composition. Celui de roman est le seul qui puisse lui être appliquée avec justice, surtout depuis que Walter-Scott, Cooper et d’autres écrivains ont, ainsi que l’auteur des Natchez, essayé de rehausser par des images et des formes empruntées aux poëtes, des fictions mélangées de vérités historiques. Les Natchez ne sont donc qu’un roman et rien de plus ; et encore un roman composé dans ce bizarre système qui, dédaignant l’autorité de l’expérience et de la raison, leur a substitué les caprices de l’imagination, et jusqu’au délire de la fièvre. Un roman jusqu’alors avait été le développement du cœur humain, mais sans recherches et sans exagération ; des tableaux de la nature y avaient trouvé place, mais d’une nature gracieuse et noble ; les compositions dramatiques se conformaient aux règles de la raison et du goût ; nous avions une littérature vraiment nationale qui faisait la gloire du pays et l’admiration de l’Europe. Aujourd’hui, les personnes douées de quelque délicatesse se plaignent avec raison que cette belle littérature ait été abandonnée pour une littérature de cannibales qui produit, dans des recueils de poésies, et notamment dans les romans, des situations d’une horreur révoltante, des descriptions abominables et en même