Page:Revue des Romans (1839).djvu/149

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temps puériles. Eh bien ! toutes ces hideuses images qui souillent tant de livres se retrouvent dans les Natchez. C’est M. de Châteaubriand qui le premier s’est complu dans ces détails du meurtre et l’analyse de la dissection. Lisez dans le premier volume la description d’un combat entre les Français et les sauvages ! Ici c’est la tête de d’Aranville « brisée par un coup de massue, comme la calebasse sous le pied de la mule rétive ; la cervelle fume en se répandant à terre. » Là c’est un sauvage qui « enfonce son poignard dans le corps de son ennemi, entre la troisième et la quatrième côte, à l’endroit du cœur, puis il saisit et tire la chevelure du guerrier et la découpe avec une partie du crâne. » Plus loin c’est Adhémar à qui un sachem enlève d’un coup de hache une partie du front, du nez et des lèvres. Puis « d’un revers de sa hache, Adario fend le côté de son ennemi ; le Breton sent l’air entrer dans sa poitrine par un chemin inconnu, et son cœur palpiter à découvert ; ses yeux deviennent blancs ; il tord les lèvres ; ses dents claquent, ses membres se roidissent dans la mort. » Ailleurs, c’est un guerrier qui a la moelle épinière fracassée ; un autre à qui une balle crève le réservoir du fiel, et qui sent sur sa langue une grande amertume !… Mais tous ces passages ne sont rien auprès du dénoûment, qui est d’une immoralité révoltante ; ici il ne s’agit pas seulement de mots, de descriptions, d’images et de détails, il s’agit d’un mélange si horrible de cruauté et de débauche, qu’alors même qu’il serait dans la nature, l’écrivain devrait jeter un voile sur ces hideuses peintures. Onduré assassine René d’un coup de hache, et reste « seul avec Celuta évanouie, étendue dans le sang et auprès du corps de son époux. Il rit d’un rire sans nom. À la lueur du flambeau expirant, il promène ses regards de l’une à l’autre victime. De temps en temps il foule aux pieds le cadavre de son rival et le perce à coups de poignards. Il dépouille en partie Celuta et l’admire. Il fait plus !… » En peu de mots l’auteur a su résumer tout ce que la licence la plus effrénée a pu inventer de plus infâme : le meurtre commis avec raffinement, ce rire sans nom qui suit le carnage et précède la débauche, ces coups de poignard qui percent un cadavre inanimé, ces regards de meurtre et de luxure qui se promènent sur les deux victimes, cette orgie de sang et de crime, cette vie conçue au sein de la mort, car Celuta devient mère, tout cela appartient-il à une épopée des enfants de la nature ? — Tous les ressorts de l’actions aboutissent au personnage d’Onduré, l’un des chefs des Natchez. Cet Onduré est aimé de la femme chef, nommée Ackensie ; mais il ne voit dans cet amour qu’un moyen de parvenir au pouvoir suprême ; il est épris de Celuta, qui à son tour aime éperdument René. Onduré fait