Page:Revue des Romans (1839).djvu/166

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le serment qu’elle a fait à son amie mourante de servir de mère à sa fille ! Malvina s’est retirée dans un château solitaire de l’Écosse ; c’est là qu’elle veut, loin du monde, se consacrer à la fille de l’amie qu’elle a perdue. Ces lieux, qui semblent retentir encore des chants mélancoliques d’Ossian, sont bien en harmonie avec la tristesse de son cœur. Les aspects que présente l’antique Calédonie, les souvenirs qu’elle rappelle, sympathisent bien avec sa douleur. Mais c’est au fond de cette retraite que, jusqu’alors étrangère à l’amour, Malvina doit devenir accessible à ce sentiment. Elle retrouve dans cette solitude les soucis, les travers et les ridicules de ce monde qu’elle a fui ; elle y trouve aussi les consolations de l’amitié, et des bienfaits à répandre. Après avoir exprimé avec des couleurs vraiment locales les beautés sauvages de l’Écosse, et dessiné avec franchise le caractère original de M. Prior, dont l’austérité s’adoucit à la vue de Malvina, avec quelle flexibilité de talent Mme  Cottin sait nous remettre sous les yeux les scènes de la société ! Avec quelle profondeur est représentée, dans mistress Birton, une de ces femmes qui, sous les dehors de la sensibilité, cachent le plus orgueilleux égoïsme ; pour qui une sévérité affectée est un dernier moyen de ressaisir la considération publique, pour qui la bienfaisance est un calcul et la haine un besoin ! Avec quel abandon elle se complaît à tracer le portrait enchanteur de Malvina ! Ce caractère passerait pour idéal, si l’on savait qu’il n’est point une simple création de l’esprit : le modèle existe ; ce portrait est l’hommage le plus délicat que le talent puisse rendre à l’amitié. Ce tableau n’est pas le seul qui ait prêté à l’allusion : dans mistress Clara, devenue auteur par bienfaisance, toujours modeste au milieu de ses succès, le public a reconnu Mme  Cottin peinte par elle-même, et ce qui ajoute à ce que l’application a de flatteur, c’est qu’on ne lui a pas supposé l’intention de se peindre. Mme  Cottin n’a pas moins de supériorité dans le développement des situations, toujours naturellement amenées par le jeu des caractères, que dans l’exposition des caractères mêmes. La rencontre inattendue d’Edmond Seymour avec Malvina, qu’il croit perfide parce qu’il la trouve au lit de mort de Louise, tête à tête avec M. Prior ; la peinture si vive, et en même temps si décente, des soins que Malvina prodigue à son amant, lorsque, introduite auprès de lui, sous les habits d’une garde-malade, elle le veille sans en être connue ; la conception aussi forte que neuve de cette scène où M. Prior, s’avançant à l’autel pour unir deux époux, voit arriver Malvina conduite par Seymour, sent, au déchirement qu’il éprouve, qu’il nourrissait une passion coupable, et en triomphe à la voix de Malvina ; ces situations, et beaucoup d’autres encore, sont des beautés du premier ordre, que ne dédaigneraient pas les