Page:Revue des Romans (1839).djvu/165

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mière composition, on regrette que Mme Cottin ait fait choix d’un pareil sujet. L’auteur de Werther avait encouru de justes reproches pour avoir présenté avec des couleurs trop séduisantes les égarements de la passion dans un jeune homme, et il était encore plus contraire aux convenances de prêter à une femme les mêmes erreurs. Ce qui excuse Mme Cottin, c’est qu’elle était fort jeune quand elle composa cet ouvrage ; elle ne sentit pas, et peut-être ne pouvait-elle pas sentir alors, qu’un auteur de son sexe se nuit à son insu, en peignant, même dans un but moral, un sentiment coupable avec trop de vivacité. Il est pourtant vrai de dire que l’intérêt dans Claire d’Albe n’est pas excité par la faute de Claire ; on la plaint, mais on la condamne. Sans chercher à l’excuser, l’auteur a trouvé le secret de la rendre intéressante malgré sa faiblesse. Claire d’Albe est subjuguée par degré et sans s’en apercevoir ; aussitôt qu’elle a découvert dans son cœur un penchant qu’elle désapprouve, elle éloigne celui qui en est l’objet ; surprise par son amant, elle ne succombe que lorsque la mélancolie et le chagrin ont épuisé ses forces et troublé sa raison. Elle meurt accablée sous le poids de sa faute. Ainsi Mme Cottin a réellement mis beaucoup d’art dans son roman, et elle a réussi, jusqu’à un certain point, à racheter, par la combinaison des moyens, l’inconvenance inhérente au fond du sujet. Cependant on ne peut se dissimuler qu’il ne lui soit échappé quelques traits d’une vérité trop franche qui alarment la morale, et que la critique voudrait effacer. Le moment où Claire devient coupable, offre le tableau sur lequel tombe plus particulièrement ce reproche. Quant à la mort de Claire, c’est un morceau achevé ; la morale n’y trouve rien à reprendre, et la critique n’a qu’à louer : on se sent profondément ému du pathétique de la situation, de l’élévation des sentiments, de la sincérité du repentir.

MALVINA, 4 vol. in-12, 1801. Dans quelques-unes des éditions postérieures à la première, on a supprimé le chapitre intitulé Préface, où Mme Cottin, sous le nom de mistress Clara, faisait au public une confidence naïve de ses sentiments sur les femmes auteurs. — Lorsque des jours plus calmes eurent succédé aux jours orageux, le cœur de Mme Cottin n’étant plus froissé par d’affligeantes réalités, ses fictions devinrent moins sombres ; tranquillisé par le retour et le maintien de l’ordre, son esprit put trouver des couleurs plus douces pour peindre les affections de l’âme, et ces affections, savamment développées, heureusement opposées, lui fournirent une infinité de détails attachants. Ainsi, dans Malvina, elle nous présente un combat presque continuel entre l’amour le plus vif et la plus tendre amitié : quelle est intéressante cette Malvina partagée entre sa passion pour Edmond Seymour et