Page:Revue des Romans (1839).djvu/246

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du chasseur, qui a su nous intéresser si fortement dans le Dernier des Mohicans et dans les Pionniers, est dessinée ici avec une finesse et une simplicité merveilleuse. La vie sauvage l’a endurci ; mais l’Européen reste toujours au fond, avec ses sentiments plus doux, avec un instinct de justice plus développé. Déjà vieux, dans la dernière partie de cette trilogie du désert, on le retrouve errant dans la prairie ; ses forces ont décliné, une sorte de tristesse a saisi cet être si ferme et si rude, il se sent plus de respect pour la vie des hommes, il hésite à se défendre contre son ennemi. Une fois, au moment que ce fusil qui n’a jamais manqué son but va partir, il le remet sur son épaule en disant : « Bah ! je suis trop vieux pour verser le sang d’un homme. » Il y a là plusieurs pages touchantes, où cette douceur triste qu’amène la vieillesse, ce retour involontaire aux idées religieuses, dont il avait ouï parler dans sa jeunesse au milieu des habitations, produisent un grand effet. — Après plusieurs tentatives, dans lesquelles il est puissamment secondé par le Trappeur, le capitaine Middleton parvient à arracher son épouse aux mains de ses ravisseurs ; mais ceux-ci la poursuivent, et sont au moment de la reconquérir, lorsqu’elle leur est enlevée, ainsi que ses défenseurs, par les Indiens Sioux, dont le chef a été séduit par sa beauté. Ces nouveaux ravisseurs sont rencontrés par une autre tribu d’Indiens, nommés les Pawnies-Loups, aussi doux que les Sioux sont cruels. Un combat s’engage, et grâce aux miracles d’habileté du Trappeur, Inès est délivrée ainsi que son époux.

L’auteur a principalement emprunté aux mœurs des Indiens les couleurs dont il a relevé la simplicité de son sujet. Une chasse au buffle, l’incendie d’une prairie, les combats des Indiens les uns contre les autres, leurs mœurs dans leurs camps, voilà les tableaux les plus remarquables qu’il ait tracés, et dans ce nombre, l’incendie de la prairie est de beaucoup supérieur aux autres. Le Trappeur est le principal personnage du roman, celui auquel s’attache tout l’intérêt. Le sang-froid, l’adresse, la connaissance des lieux sont les traits principaux qui le font et qui déjà l’avaient fait le héros des Pionniers et des Mohicans. Ce vieux chasseur, création qui suffit pour animer trois romans, n’est pas un misanthrope ; il ne se plaint de personne ; mais il a si longtemps vécu dans les bois, qu’il y reste par habitude, par souvenir de jeunesse. Il aime les dangers qu’il y rencontre, comme les soldats aiment la guerre, parce que c’est une émotion et un intérêt dans la vie ; il aime mieux chasser les ours et se battre de temps en temps contre les Mingos, que de faire du sucre d’érable ou de labourer un champ. La mort paisible de ce véritable indépendant qui, n’ayant pas voulu suivre Middleton, s’était établi, pour achever ses jours parmi les sauvages, au