Page:Revue des Romans (1839).djvu/257

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de Tom, il n’y aurait plus eu de raison suffisante pour cacher sa naissance à un homme aussi raisonnable et aussi tendre que M. Alworthy. Quoique Fielding ait dit que rien dans la lecture de ses œuvres ne saurait offenser l’œil le plus chaste, on ne peut disconvenir cependant qu’il n’y ait dans Tom Jones certains passages dont on ne peut justifier l’auteur que par les mœurs de l’époque, qui permettaient sûrement un langage beaucoup plus franc que le nôtre. Toutefois, les pages de ce genre sont d’une gaieté leste plutôt qu’attrayante, et elles sont bien expiées par l’admirable mélange de raillerie et de raisonnement à l’aide duquel Fielding soutient et fait triompher les droits de la vertu et la cause de la religion.

AMÉLIE, histoire anglaise, trad. par Puysieux, 4 vol. in-12, 1762. — On peut appeler ce roman la suite de Tom Jones ; mais nous n’avons pas pour la conduite dissolue et l’ingratitude de Booth, l’indulgence que nous accordons volontiers à la jeunesse de Tom Jones. Le caractère d’Amélie est tracé, dit-on, d’après celui de la seconde femme de Fielding. S’il avait, comme on le rapporte, mis sa patience à des épreuves du genre de celles qu’il décrit, il l’en a en quelque sorte dédommagée par le tableau qu’il fait de sa douceur angélique et de sa tendresse si pure. Quelle peinture achevée que celle d’Amélie, femme d’ordre et de vertu, attendant le soir son mari, et préparant de ses mains leur souper de famille, tandis que celui dont elle désire le retour perd au jeu dans une taverne l’argent nécessaire aux besoins de leurs enfants ! Quelle scène pathétique que celle où le vicaire Bennet vient reprocher à sa femme son infidélité, et quel trait hardi de mœurs se trouve dans ce tableau ! On peut reprocher à l’auteur d’avoir donné dans ce roman un charme coupable à son héros, à Booth, si joueur, si libertin, si faible ; mais il était bien permis à Fielding, qui avait fait tant de portraits, de se mettre aussi dans un cadre et de se rendre intéressant. — Madame Riccobini a publié une traduction, ou plutôt une imitation d’Amélie. Lorsque l’ouvrage parut, les enthousiastes de Fielding crièrent au sacrilége, et M. de Puysieux crut venger l’auteur anglais en en donnant une traduction littérale. Mais son travail fit mieux sentir le mérite de l’imitation de Mme  Riccoboni, qui avait retranché de l’original une foule de détails fastidieux pour des lecteurs français.

HISTOIRE DE JONATHAN WILD, trad. par Christ Piquet, 2 vol. in-12, 1763. — Il n’est pas facile de deviner ce que Fielding se proposait dans une peinture où l’histoire du vice n’est relevée par aucun sentiment qui puisse tourner au profit de la vertu ; d’ailleurs, dans cette suite d’aventures imaginaires attribuées à un caractère réel, il y a quelque chose de grossier et un manque d’art