Page:Revue des Romans (1839).djvu/285

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que l’ouvrage, d’un bout à l’autre, est animé d’un grand intérêt. Des détails pleins de grâces, des situations pathétiques et vraies préparent un dénoûment d’un très-grand effet.

BÉLISAIRE, in-8, 1808. — Vers la fin du siècle dernier, Marmontel, homme d’esprit et de talent, publia le roman de Bélisaire, que chacun se rappelle avoir lu avec intérêt. Mme de Genlis s’est emparée du même sujet, mais son but a été d’établir des principes plus orthodoxes, et de donner plus de vérité aux caractères. Elle fait un reproche sérieux à Marmontel d’avoir avili la majesté royale, en attribuant à Justinien les cruautés exercées envers Bélisaire, et en humiliant l’empereur aux pieds de sa victime. Pour sauver cette inconvenance, elle a supposé que c’était l’eunuque Narsès, rival de Bélisaire, qui avait privé celui-ci de la vue, à l’insu de son maître ; mais le monarque qui souffre ou qui ne sait pas qu’un favori insolent abuse de son pouvoir au point de commettre des atrocités au nom de son maître, est un imbécile ou un ignorant. Marmontel n’avait employé Gelimer, roi des Vandales, que comme un personnage épisodique ; en le faisant rencontrer avec Bélisaire, il avait créé cette situation intéressante d’un monarque réduit à la condition d’un simple particulier, et donnant l’hospitalité au général qui l’avait vaincu, détrôné, et qui se trouvait alors aussi malheureux que lui. Mme de Genlis a profité de cette invention, mais elle a voulu, en la forçant, ajouter à l’intérêt ; elle a fait de Gelimer le confesseur de Bélisaire ; c’est lui qui prêche au général le pardon des injures, la patience et la résignation. Comme tout cela est édifiant au suprême degré ! Il y a néanmoins des beautés réelles dans le caractère de Bélisaire.

ALPHONSE, ou le Fils naturel, 2 vol. in-12, 1809. — Alphonse, à qui un crime accompagné d’horribles circonstances a donné la naissance, devient dans la suite éperdument amoureux de sa mère. Il tue son frère ou peu s’en faut ; il maudit éloquemment son père sans le connaître, et le maudit plus éloquemment encore quand il le connaît : tels sont les traits les plus saillants de son histoire. À ces événements près, Alphonse ressemble à la plupart des jeunes gens de son âge ; il est vif, ardent, impétueux ; il a de la grâce, se met bien, monte à cheval et fait des armes. Ne pouvant épouser sa mère, il prend le parti, lorsqu’il est instruit de ce fatal secret, de devenir amoureux d’une autre. Hermine, nouvel objet de sa passion, a quatre ou cinq ans de plus que lui ; par suite d’événements, d’aventures, de générosité, elle ne se marie pas avec lui, mais avec un vieux baron qu’elle n’aime pas du tout. Alphonse, de son côté, se décide à épouser Zoé, fille naturelle d’un père inconnu et d’une dame très-pieuse qu’on était loin de soupçonner d’une pareille aventure. Mélanie, mère du fils naturel, trahie par sa nourrice,