Page:Revue des Romans (1839).djvu/284

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que l’on exerce envers une victime intéressante dont on prolonge le supplice pendant treize années consécutives, cette furie, disons-nous, est pardonnée et renvoyée tranquillement en possession du fruit de ses crimes, et cela sous prétexte qu’elle avait quelques sentiments religieux, quoiqu’elle eût une fausse idée de la religion. — Tous ces défauts n’empêchent pas que la partie dramatique de cet ouvrage, surtout dans les deux premières parties, ne soit digne d’éloges. On y trouve des incidents parfaitement liés et des situations d’un grand pathétique.

LE SIÉGE DE LA ROCHELLE, ou le Malheur et la Conscience, in-8, 1808. — Ce roman s’ouvre par une de ces scènes affreuses dont la sensibilité la moins délicate repousse avec horreur la désolante image. Un enfant, l’espoir d’une illustre famille, est égorgé inhumainement et presque sans motifs, par le plus atroce de tous les scélérats. Une jeune personne, l’héroïne du roman, parée de toutes les vertus, de toutes les grâces les plus séduisantes, à la veille de contracter l’union la plus éclatante, la plus heureuse, est accusée de ce meurtre. Par une combinaison fatale d’événements, cette angélique créature ne peut pas se défendre sans accuser le véritable meurtrier, qui est son père ; elle est convaincue, condamnée ; elle va jusque sur l’échafaud… Nous laissons à juger aux lecteurs de quelles angoisses cruelles l’âme est torturée pendant cette longue et douloureuse agonie. Mme de Genlis a eu sans doute, comme elle a le soin de le dire elle-même, la louable intention de démontrer combien les consolations de la religion sont puissantes, combien elles inspirent de courage au milieu des adversités les plus humiliantes et les plus imméritées. Nous croyons devoir faire observer cependant que les personnes vraiment pieuses n’ont pas besoin de ces atrocités dégoûtantes pour être convaincues, et que les faibles ou les incrédules ne peuvent pas être ramenés par des fictions. — On remarque dans le cours de l’ouvrage un épisode qui sans doute n’échappera point à l’observation de la plupart des lecteurs ; c’est l’histoire d’une princesse d’Allemagne, fille d’un électeur, laquelle se laisse épouser en secret pas un simple gentilhomme de la cour de son père ; et ce qu’il y a de plus bizarre dans l’aventure, c’est que l’amant favorisé n’a aucune de ces manières engageantes, aucune des ces démonstrations de sensibilité qui peuvent faire pardonner une faiblesse. — On a observé que presque toutes les productions de Mme de Genlis offraient un personnage éminemment odieux, dont l’intervention blessait souvent les convenances ; il y en a ici un de cette espèce, Montalban, dont le crime prépare tous les événements, et dont la conduite ténébreuse tient le nœud de l’action serré jusqu’à la dernière catastrophe. — Malgré ces défauts, il serait injuste de ne pas avouer