Page:Revue des Romans (1839).djvu/291

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prend-elle qu’à l’âge de douze ans, ayant inspiré une passion très-vive à un adolescent qui en avait dix-huit, mais qui n’était que le fils d’un médecin, le premier sentiment que la jeune comtesse, alors chanoinesse, éprouva, lorsqu’il lui eut révélé l’existence de l’amour qu’il avait pour elle, ne fut que de l’indignation : elle ne pouvait concevoir qu’un roturier osât l’aimer ! Il était impossible d’être infecté plus complétement et de meilleure heure de gentilhommerie et de pédantisme. Dans les Aventures de Julien, Mme de Genlis a retracé cette circonstance de sa vie, et y a reproduit toutes les idées dont elle était imbue dès sa plus tendre jeunesse. Elle a voulu aussi, non-seulement faire entrer dans son cadre cette société aimable et polie qu’elle a toujours su mettre en scène avec autant de grâce que de vérité, mais encore la classe des artisans et du peuple, dont elle ne connaissait ni les mœurs, ni le langage, ni les travers, ni les ridicules ; elle a voulu surtout y peindre ses affections, ses haines, ses rancunes, ses opinions, et a saisi cette occasion pour raconter des actions odieuses qu’elle prête à Robespierre, à Marat, à Danton, et à quelques membres de la commune de Paris, et qu’on ne comptait certainement pas trouver dans les Aventures de Julien Delmours.

Le héros du roman est Julien ; il est aimé de la belle Édelie, sœur du comte d’Inglar, mariée, mais fort mal mariée. Les autres principaux personnages sont : la duchesse de Palmis, assez mal mariée aussi, fort aimée du comte d’Inglar, qui n’est pas mieux marié qu’elle, et qu’elle aimera quand il faudra ; la marquise de Palmis, encore plus mal mariée que toutes les autres, mais qui est loin de supporter son malheur avec la résignation que commande la vertu. Plus brillante encore par la beauté et les talents que la duchesse sa belle-sœur, elle rencontre un jeune homme bien séduisant, et a des torts graves que Mme de Genlis flétrit toujours de leur nom propre. La morale que l’on peut tirer de tout ceci, c’est qu’il faut se marier deux fois, et que ce n’est qu’à la seconde fois qu’on rencontre bien. En effet, le comte d’Inglar, qui avait fort médiocrement rencontré la première fois, n’est heureux que lorsque étant veuf, il se marie avec la duchesse de Palmis, veuve aussi, et dont le premier mari était peu digne d’elle. Julien Delmours est sur le point d’épouser la charmante Édelie, devenue veuve, et que son premier mariage avait rendue très-peu heureuse : elle allait combler les vœux de son amant, lorsqu’un pèlerinage qu’elle veut faire auparavant la conduit dans la vallée de Josaphat, où elle se fait religieuse. Julien, à qui cette veuve manque, en épouse une autre, Mlle de Volnis ; et véritablement l’auteur les avait placés un peu auparavant dans une situation tellement délicate, qu’il n’y avait rien de mieux à faire que de les