Page:Revue des Romans (1839).djvu/391

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FA DIÈZE, in-8, 1834. — Le baron Conrad Krumpholtz, né pauvre, avait voulu être riche et diplomate. Il avait obtenu la richesse et les honneurs, mais en revanche il avait perdu la faculté de sentir ; il n’avait plus d’âme et végétait avec un semblant d’existence. Un jour que, plongé dans un sombre découragement, il feuilletait le Journal de la jeunesse de dix-huit ans, il tomba sur les pages où il s’était naïvement raconté à lui-même l’histoire de sa première passion. Il revit dans le passé Blanche, une douce et pure jeune fille, qu’il avait aimée et qu’il n’eût tenu qu’à lui d’épouser de préférence à la fortune et aux honneurs. Ce fut pour lui comme un reflet de bonheur que la lecture de ce journal. Espérant respirer mieux encore le parfum de cet amour aux lieux où il s’était allumé, il voulut revoir la maison qu’avait habitée Blanche. Il part, mais la maison n’existait plus ; il en fait rebâtir une autre semblable, mais ce n’était pas celle de Blanche. Conrad, plus malheureux que jamais, allait se casser la tête, quand il se rappela soudain un commencement d’air qu’il avait entendu chanter par Blanche. Pour le coup, il se crut près de revivre ; mais cet air, il ne put jamais l’achever ; il en restait toujours au milieu de la cinquième mesure, au fa dièze. Oh ! s’il pouvait finir cette mélodie, sa jeunesse, ses dix-huit ans, sa Blanche, tout lui serait rendu. Il n’épargna rien pour ressaisir ces notes qui s’étaient enfuies de sa mémoire ; il voyagea pour les retrouver. Impuissants efforts ! il usa vainement le peu de vie qui lui restait. Enfin, sentant la mort venir, il fit un testament par lequel il instituait Blanche sa légataire universelle si elle existait encore ; puis, couché sur son lit, à moitié pris déjà par le râle, il s’avisa de prier Athanase, son domestique, de lui chanter une chanson en guise de requiem ou de de profundis. Athanase psalmodia en pleurant un air qui était justement celui que le baron n’avait jamais pu finir. « Sais-tu donc cet air ? dit Conrad. — Oui, M. le baron, répondit le domestique. — Alors chante-le au nom du ciel, et presse la mesure pour cause, » cria le baron. Athanase continua, mais le baron avait cessé d’exister avant que son domestique fût allé au delà du fa dièze. Qui avait appris cependant cet air à Athanase ? C’était la Blanche même de son maître, dont lui aussi il avait dédaigné l’amour et qu’il consent à épouser maintenant qu’elle est enrichie par le testament du baron.

LE CHEMIN LE PLUS COURT, 2 vol. in-8, 1836. — « Des sens attribués à l’homme, le plus précieux et le plus rare est sans contredit le sens commun. » Telle est l’épigraphe du livre de M. Alphonse Karr, et dont il donne l’exemple suivant : Un jeune homme de basse Normandie, nommé Hugues, vient à Paris pour faire son droit. Hugues est jeune, beau, spirituel, et possède par