Page:Revue des Romans (1839).djvu/517

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chevées de la volupté orientale que complétait leur imagination. Les femmes se sentaient à l’aise dans les mœurs européennes, en comparant la liberté de leur vie avec le doux esclavage des femmes de l’Orient. Les philosophes et les esprits forts en comptaient un de plus dans l’auteur des Lettres, et se mettaient de la partie pour rire de la religion musulmane aux dépens de la religion chrétienne. — Ce livre, toujours piquant par la vivacité des tons pour le lecteur qui cherche l’amusement, attache souvent, par l’importance des objets, le lecteur qui veut s’instruire. Déjà l’auteur s’essaye aux matières de politique et de législation, et plusieurs de ces Lettres sont de petits traités sur la population, le commerce, les lois criminelles, le droit public ; on voit qu’il jette en avant des idées qu’il doit développer ailleurs, et qui sont comme les pierres d’attente d’un édifice. La familiarité épistolaire met naturellement en jeu son talent pour la plaisanterie, qu’il maniait aussi bien que le raisonnement. L’ironie est dans ses mains une arme qu’il fait servir à tout, même contre l’inquisition, et alors elle est assez amère pour tenir lieu d’indignation. Il peint à grands traits les mœurs serviles des États despotiques ; et cette jalousie particulière aux harems de l’Orient, toujours humiliante et forcenée, soit dans le maître qui veut être aimé comme on veut être obéi, soit dans les femmes esclaves qui se disputent un homme et non un amant. Il sait intéresser dans l’histoire des Troglodytes, et cet intérêt n’est pas celui d’aventures romanesques ; c’en est un plus rare, plus original et plus difficile à produire, celui qui naît de la peinture des vertus sociales mises en action, et nous en fait sentir le charme et le besoin.

LE TEMPLE DE GNIDE, suivi de Céphise et l’Amour, in-12, 1725. — L’auteur s’est proposé de peindre la délicatesse et la naïveté de l’amour pastoral, tel qu’il est dans une âme neuve, que le commerce des hommes n’a point encore corrompue. Craignant peut-être qu’un tableau si étranger à nos mœurs ne parût trop languissant et trop uniforme, il a cherché à l’animer par les peintures les plus riantes. Le temple de Gnide est une bagatelle ingénieuse et délicate, mais d’autant plus froide qu’elle est plus travaillée, et qu’elle annonce la prétention d’être faite en prose, sans avoir rien du feu de la poésie. L’esprit y est prodigué, la grâce étudiée. L’auteur est hors de son genre, qui est la pensée, et il y rentre sans cesse malgré lui et au préjudice du sentiment.

ARSACE ET ISMÉNIE, histoire orientale, in-18, 1783. — Arsace et Isménie est un roman publié par le fils de Montesquieu. On ne sait trop à quelle époque Montesquieu a composé cet ouvrage. Grimm présume que dans l’origine il était destiné à augmenter le nombre des épisodes des Lettres persanes, mais que l’auteur le trouva trop