Page:Revue des Romans (1839).djvu/548

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*JEAN SBOGARD, 2 vol. in-12, 1818. — La scène de ce roman se passe aux environs de Trieste, sous le beau ciel de l’Italie ; mais l’auteur fait souvent une terre de deuil de cette terre de fête. Vers l’année 1806, dans le château isolé de Monteleone, vivaient deux sœurs dont la différence d’âge fortifiait la tendre union. Heureuse de la protection d’une sœur chérie, la jeune Antonia pleurait moins amèrement la mort de son père. Cette frêle créature avait apporté en naissant une organisation si délicate, elle ne tenait à la terre que par des liens si déliés, qu’ils semblaient toujours prêts à se rompre ; son organisation morale était encore plus délicate que son organisation physique, et elle était sujette à des mouvements d’une vague mélancolie qui parfois semblaient atteindre jusqu’à la raison. À cette époque, l’Istrie, successivement occupée et abandonnée par les armées des différentes nations, jouissait d’un de ces moments de liberté orageuse qu’un peuple faible goûte entre deux conquêtes. Cependant, une association de brigands, réunis sous le nom de Frères du bien commun, et commandés par un chef intrépide nommé Jean Sbogard, désolait le pays. L’auteur donne ces détails en peu de mots, et les premières pages de l’ouvrage sont consacrées au genre descriptif. Antonia et sa sœur visitent les environs de Trieste ; elles assistent à plusieurs fêtes champêtres qui, dans ces belles contrées, ont toutes un caractère poétique. Tout à coup on apprend que les Frères du bien commun se sont emparés d’un château voisin, et qu’on a vu leur chef rôder sous les murailles du château de Monteleone. Le nom du brigand fait naître pour la première fois dans le cœur d’Antonia un sentiment de crainte personnelle. Un incident rendit cette crainte plus vive : un jour qu’elle s’était endormie dans la forêt qui avoisinait le château, elle entendit causer près d’elle ; le feuillage lui dérobait la vue de ceux qui parlaient, mais son oreille fut frappée de ces mots : « La voilà, dit une voix d’homme ; voilà la fille de la casa monteleone ; … elle a fixé le sort de ma vie ; elle est mon épouse devant Dieu seul, et j’ai juré que jamais une main mortelle ne détacherait un fleuron de sa couronne de vierge, pas même la mienne… » L’apparition des brigands dans le voisinage du château, en lui rappelant cette scène, fut loin de rendre le calme à l’esprit de la jeune Antonia. Pour la distraire, sa sœur la conduisit à Venise. On y parlait alors d’un jeune étranger nommé Lothario, qui faisait les délices de la société, et qui répandait l’or avec une profusion digne d’un souverain. Antonia eut l’occasion de voir cet étranger dans une maison où elle était, et fut extrêmement émue à son aspect ; en peu de temps, la plus douce intimité s’établit entre elle et Lothario, et de l’aveu de sa sœur elle lui permit de prétendre à sa main. C’est dans l’ouvrage même qu’il