Page:Revue des Romans (1839).djvu/549

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faut lire l’histoire de cette singulière passion, et quels obstacles Lothario apporta lui-même à l’accomplissement de ses vœux. Fatiguée de regrets et d’espérance, Antonia quitta Venise, et reprit avec sa sœur le chemin de Monteleone. En route elle est attaquée par la troupe de Jean Sbogard, enlevée et conduite dans la forteresse dont les brigands se sont emparés. Sa sœur est tuée dans le combat ; Antonia assiste à ses funérailles dans les souterrains du château ; sa raison s’altère, et l’assiduité d’un des brigands dont la tête est constamment couverte d’un crêpe noir, excite plus d’une fois son attention dans les moments lucides où elle peut réfléchir sur son état. Un jour le bruit du canon se fit entendre ; les troupes françaises attaquèrent le château et s’en emparèrent ; tous les brigands furent envoyés à Mantoue pour être jugés. La jeune fille trouvée parmi eux, et dont l’état de démence était bien constaté, fut confiée aux soins d’un médecin célèbre. Elle recouvra la raison, et se décida à prendre le voile. Cependant l’instruction du procès des brigands était achevée ; ils avaient été condamnés à mort au nombre de quarante, mais rien ne prouvait que Jean Sbogard fût parmi eux ; pensant que la jeune fille trouvée dans la forteresse pourrait le reconnaître, on l’amena dans la grande cour de la prison où les condamnés devaient passer. Ils parurent. L’un d’eux la frappa, et elle reconnut en lui Lothario. — « Non, non, répondit-il, je suis Jean Sbogard. » Il faut lire cette scène effroyable et les détails révoltants qui suivent dans l’ouvrage, pour avoir une idée de cette bizarre composition, où l’auteur a mêlé à des images hideuses, à des tableaux révoltants, des fêtes, de pieuses cérémonies, d’aimables descriptions de la nature, des maximes de morale les plus sages, l’expression des nuances les plus délicates du sentiment.

THÉRÈSE AUBERT, in-12, 1819. — De tous les romans de M. Charles Nodier, celui de Thérèse Aubert est un de ceux auxquels on donne généralement la préférence, et cette préférence est justement méritée. Que de douceur et de charme dans cette histoire si simple et si touchante ! que de passion aussi ! Y a-t-il rien de suave et de gracieux comme la scène du départ au sommet de la colline, au bout du sentier de la croix ? Y a-t-il rien de chaste et de ravissant comme ces baisers craintifs posés et recueillis sur des feuilles de roses ? et ce baiser d’adieu, si timide encore, que les lèvres des amants n’osent se donner qu’à travers le dernier débris de l’églantine ? Ailleurs, au dénoûment du drame, quelle autre situation déchirante et passionnée ! lorsque Adolphe retrouve sa pauvre Thérèse aveugle et défigurée par la maladie, et la presse avec amour toute mourante entre ses bras, comment le dégoût ne l’emporte-t-il point sur l’intérêt, et ne nous contraint-il pas à