Page:Revue des Romans (1839).djvu/616

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adoptée, l’ont rendu ridicule : on s’est moqué de lui, et on a étouffé sa réputation. Cet homme, étranger d’ailleurs aux plus simples convenances, n’ayant nulle retenue, ennemi de toutes les règles, brille néanmoins par une richesse d’imagination surprenante. Il retrace des caractères avec habileté ; la fable qu’il invente attache presque toujours. Il y a dans son dialogue une vérité naïve qui charme ; il écrit des pages délicieuses de naturelle et de douce volupté ; il trouve des tableaux frais et riants ; il appelle tour à tour le rire, la réflexion, la pensée profonde, et, presque toujours, jette dans le cœur une émotion extrême. Ces qualités sont toutefois obscurcies par un dévergondage sans pareil, par des infamies racontées comme avec plaisir, par d’obscènes peintures, qui montrent l’espèce humaine dans un était complet de dégradation. Ses filles publiques sont vraies à faire frémir ; ses escrocs repoussent par la hideuse figure qu’il leur donne. En un mot, Restif, avec ses qualités et ses défauts, n’est pas aussi connu en France qu’il mérite de l’être : tel auteur qui le méprise ne le surpassera jamais ; ses ouvrages sont une mine féconde, dans laquelle il y a de bonnes choses à prendre ; la plupart de nos faiseurs de comédies, de vaudevilles, de drames, si pauvres d’invention, y rencontreraient des sujets de pièces très-attachants, ou propres à provoquer la gaieté.

*LE PIED DE FANCHETTE, ou l’Orpheline française, 3 vol. in-12, 1768. — On trouve dans ce roman de l’originalité et des situations touchantes. Il a obtenu une cinquième édition publiée sous le titre du Pied de Fanchette, ou le Soulier couleur de rose, 3 vol. in-18, 1801.

*LE PORNOGRAPHE, ou Idée d’un honnête homme sur un projet de règlement pour les prostituées, in-8, 1769. — Dans cet ouvrage, qui fit beaucoup de bruit, Restif propose d’ériger en loi la prostitution. Les filles publiques devaient être cloîtrées ; leurs vies, leurs plaisirs, leurs devoirs, tout est tracé dans ce singulier ouvrage rempli de détails obscènes. On a cru, dans le temps, et cela est fort probable, que la police n’était pas étrangère à sa publication : ce n’était pas sans doute dans l’intention de corriger les abus qu’il signalait, car elle trouvait trop son compte à leur existence ; mais enfin elle avait une intention secrète qui n’a pas été connue,

LE PAYSAN PERVERTI, ou les Dangers de la ville, 4 vol. in-12, 1776 ;

LA PAYSANNE PERVERTIE, 4 vol. in-12, 1776.

Dans le principe, le Paysan perverti formait un ouvrage à part. Restif ensuite le fondit avec la Paysanne pervertie, et n’en fit qu’une seule production. Le Paysan perverti est sans contredit le meilleur ouvrage de Restif. Deux hommes, qui n’avaient ni les mêmes opinions ni le même goût, Mercier et la Harpe, ont ainsi