Page:Revue des Romans (1839).djvu/617

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jugé cet ouvrage. Mercier, enthousiaste du talent de Restif, trouve le Paysan perverti un ouvrage admirable. « La force du pinceau, dit-il, y fait un portrait animé des désordres du vice et des dangereux effets auxquels l’inexpérience et la vertu sont exposées dans une capitale dissolue… Les touches en sont si vigoureuses, que le tableau est révoltant ; mais il n’est malheureusement que trop vrai… Le silence absolu des littérateurs sur ce roman, plein de vie et d’expression, et dont si peu d’entre eux sont capables d’avoir conçu le plan et formé l’exécution, a bien droit de nous étonner, et nous engage à signaler l’injustice ou l’insensibilité de la plupart des gens de lettres, qui n’admirent que de petites beautés froides et conventionnelles, et qui ne savent plus reconnaître ou avouer les traits les plus frappants et les plus vigoureux d’une imagination forte et pittoresque, etc., etc. » Pendant que Mercier s’extasiait ainsi, la Harpe écrivait au grand-duc de Russie (depuis Paul Ier) : « Le Paysan perverti est en général l’assemblage le plus bizarre et le plus informe d’aventures vulgaires, mal menées et mal tenues, de caractères mal expliqués, de la métaphysique la plus mauvaise et la plus déplacée, du libertinage le plus effréné, du plus mauvais style et du plus mauvais goût. C’est une suite de tableaux sans ordre et sans liaison, où l’on vous présente tour à tour un mauvais lieu, la prison, la Grève, une école de philosophie, une guinguette, un consistoire, une taverne, une église, le salon d’une femme de la cour et le galetas d’une prostituée. Rien n’est digéré, rien n’est motivé, rien n’est bien écrit, et cependant au milieu de ce chaos, on est tout étonné de retrouver des morceaux qui prouvent de la sensibilité et de l’imagination. » — Quoique ces jugements soient bien différents, que l’un soit certainement trop favorable et l’autre peut-être trop sévère, on voit cependant qu’ils s’accordent à reconnaître un genre de mérite au moins dans une partie de l’ouvrage. L’idée du Paysan perverti est heureuse et le fond très-moral ; les situations en sont neuves et frappantes, les réflexions hardies, les tableaux sont effrayants et pathétiques, mais la morale est souvent effacée par le libertinage le plus éhonté. Ce livre a été traduit dans toutes les langues de l’Europe, et a eu en France, en Allemagne et en Angleterre, une multitude d’éditions.

*LE NOUVEL ABAILARD, ou Lettres de deux amants qui ne se sont jamais vus, 4 vol. in-12, 1778. — C’est une composition bizarre qui renferme une excellente morale. On y trouve de charmants épisodes, et il y aurait peu à faire pour qu’elle devînt un très-bon roman, utile à l’instruction des nouveaux époux.

*LES CONTEMPORAINES, ou Aventures des plus jolies femmes de l’âge présent, etc., 42 vol. in-12, 1780 et années suiv. — Cet im-