Page:Revue des Romans (1839).djvu/674

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la joie du vertueux citoyen sera de courte durée, et le temps des épreuves n’est pas passé pour lui ; si la patrie triomphe, une faction triomphe avec elle… Alonzo et ses nobles amis sont envoyés aux galères ! — À côté de cette grande image d’Alonzo, paraissent divers personnages dont les physionomies sont habilement nuancées : d’abord Maria, sœur présumée d’Alonzo, qui plus tard devient sa compagne, son épouse, et dont le caractère offre le contraste d’une angélique douceur et d’une noble exaltation patriotique ; puis une comtesse Mattéa, dont toute la tendresse pour Alonzo n’est que de l’orgueil, et dont la douleur, quand elle ne mérite plus d’en être aimée, s’exhale par la vengeance. Un caractère fort bien tracé d’un bout à l’autre est celui du marquis de C…, premier époux de Maria. Cet honnête chambellan porte tour à tour la clef de Ferdinand et celle de Joseph ; rien ne saurait altérer l’imperturbabilité de son service ; une seule légitimité le touche, celle du maître régnant ; et telle est l’innocente candeur de ses habitudes serviles, qu’il pense bien mériter de Ferdinand pour s’être dévoué au roi Joseph. M. de Salvandy a bien observé les hommes et les choses, et ses tableaux de mœurs sont aussi fidèles que variés ; soit qu’il nous introduise au lever fastueux du favori, soit qu’il raconte les honteuses querelles du vieux monarque, les intrigues de la Camarilla, ou des succès populaires, un coloris vital anime et vivifie ses descriptions. M. de Salvandy a bien compris l’Espagne et ses antiques habitudes, aux prises, dans la classe éclairée, avec ses nouveaux besoins ; d’un trait il peint ce peuple, « tenant à la liberté par son orgueil, au despotisme par sa paresse. » Supérieur à tout esprit de secte et de faction, il blâme toutes les erreurs et rend justice à toutes les gloires. Considéré comme tableau de mœurs, on ne peut refuser de reconnaître dans Alonzo des descriptions fidèles et animées, et une grande connaissance de la situation morale du pays. En l’examinant comme roman, on peut reprocher à l’auteur d’avoir multiplié les personnages hors de toute mesure ; il faut vraiment une attention soutenue et une heureuse mémoire, pour suivre le fil des aventures de chacun des acteurs qu’il met en scène ; ensuite les événements qui rapprochent ou éloignent chacun des personnages, sont amenés avec une invraisemblance qui frappe tous les lecteurs, et qui a le grave inconvénient de refroidir l’intérêt que feraient naître des situations souvent attachantes, mais qui s’accumulent avec une telle abondance, que l’esprit se refuse à croire à la possibilité des faits annoncés.

ISLAOR, ou le Barde chrétien, nouvelle gauloise, in-12, 1825. — L’action de cette nouvelle se passe vers l’an 363 de l’ère chrétienne, au moment de la mort de l’empereur Julien. Le lieu de la