Page:Revue des Romans (1839).djvu/730

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convoque tous les seigneurs du Languedoc, leur expose ses griefs, et les engage à secouer le joug ; déjà ses paroles ont soulevé des murmures approbateurs dans l’assemblée, lorsque tout à coup un moine se lève, formule une accusation de sacrilége contre le fougueux vicomte, et prononce contre lui une sentence d’excommunication. Roger, d’abord victorieux, se voit abandonné immédiatement de la plupart des seigneurs ses voisins. Livré ainsi tout d’abord à ses propres forces et à celles du routier Buat, il accepte la guerre. Le reste est bien connu. L’auteur nous fait assister au sac de Béziers et à la prise de Carcassonne, qui fut le tombeau du courageux vicomte. La trahison qui livra Roger à son ennemi était machinée de longue main ; elle vient d’être découverte par la sollicitude de Foë, jeune esclave africaine que le vicomte a possédée. Pour le sauver, cette femme court révéler le secret à Agnès, son épouse, et aussi à sa maîtresse, Catherine Rebuffe, jeune bourgeoise de Montpellier. Rien n’est plus touchant que le dévouement de ces trois femmes, oubliant tout à coup leur rivalité pour ne songer qu’au salut du vicomte, renfermé dans Béziers, cerné de toutes parts ; rien n’est plus dramatique et plus saisissant que cette marche de la vicomtesse et de la jeune bourgeoise vers la ville assiégée, que leur entrée la nuit dans Béziers, saccagée et déserte, que leur visite à cette église remplie de cadavres. On sait comment le vicomte de Béziers périt. Simon de Monfort fut soupçonné de l’avoir empoisonné parce qu’il fut mis en possession de ses biens. Dans le roman de M. Soulié, Roger est retenu captif sous la surveillance du juif Raymond. Buat est sur le point de sauver son frère et Agnès qui a voulu partager sa prison. De son côté, Foë l’Africaine est parvenue à endormir la vigilance du gardien qui l’obsède, en feignant de céder à ses infâmes désirs, mais Kaeb, jeune esclave noir au service de Roger, épris d’amour pour Foë, juge le moment favorable à l’exécution d’une vengeance depuis longtemps méditée : Foë et Raymond tombent sous ses coups, et le vicomte, qui allait être libre, meurt empoisonné par son esclave. — Le vicomte de Béziers est un des bons romans historiques, semé çà et là de larges aperçus, de riches peintures, que soutient toujours un style plein d’éclat.

LES MÉMOIRES DU DIABLE, 8 vol. in-8, 1837-38. — Sous ce titre, M. Soulié a livré au public une série de contes diaboliques fort piquants, très-extraordinaires, auxquels il a donné pour lien le diable, qui fournit à l’auteur autant de transitions, d’apparitions, d’explications et de dénoûments que le roman en demande. Parmi deux ou trois contes d’un intérêt supérieur, on distingue surtout l’histoire d’Henriette Buré, qui remplit à peu près la moitié d’un volume, et se détache complétement du fond de l’ou-