Page:Revue des Romans (1839).djvu/751

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colon. C’est là, quand sa vie défaillante l’abandonne de jour en jour, quand, privé de la parole par l’émotion d’un horrible malheur, il est isolé du monde et n’a plus qu’Atar-Gull, c’est là qu’un soir il apprend d’Atar-Gull lui-même quel serpent il traîne après lui depuis tant d’années, quel sentiment entretenait le dévouement de toutes les heures, quelle main lui a ravi sa famille, ses biens, son pays. Il vit encore quelque temps avec le monstre qui le tient dans ses serres, et puis il le laisse héritier de ses biens. Atar-Gull, vénéré de tous ceux qui ont connu son maître, obtient peu de jours après la mort de celui-ci, le grand prix fondé par M. Montyon pour récompenser la vertu ! … Histoire effroyable et immorale s’il en fut, et digne des amateurs du genre de M. Sue.

LATRÉAUMONT, 2 vol. in-12, 1837. — Dans ce roman, l’auteur s’est abstenu de soutenir le triomphe du vice, et nous lui en adressons nos sincères félicitations ; ce n’est pas cependant que ce roman soit très-chaste, tant s’en faut ; mais au moins on peut le lire sans dégoût. La scène s’ouvre dans le palais de Versailles, où nous voyons Louis XIV en déshabillé qui se glisse par un couloir mystérieux vers une cachette d’où l’on peut entendre tout ce qui se dit dans l’appartement des filles d’honneur. Elles s’entretiennent en ce moment du mérite des jeunes seigneurs de la cour, et quelques éloges, qui ont pour objet de jeunes et beaux courtisans, éveillent dans le cœur du monarque l’envie et la jalousie. Bientôt son orgueil reçoit une vive atteinte ; on ose mettre en parallèle avec le monarque un simple gentilhomme. Louis de Rohan, et c’est à lui que reste l’avantage ; Louis de Rohan, qui n’est que grand veneur, est déclaré dans ce conseil intime plus beau et plus aimable que le roi de France. Louis XIV sort furieux de sa cachette, jurant de châtier l’insolent bonheur de l’homme qu’on lui préfère. Humilié par le monarque, le grand veneur donne sa démission de son emploi devant toute la cour, et se retire avec des idées de vengeance. Une secrète conjuration se tramait alors contre la puissance de Louis XIV ; l’âme du complot était en Hollande, et la Normandie devait lever l’étendard de la rébellion. Un certain Latréaumont, gentilhomme normand, s’était fait l’agent de cette entreprise, à laquelle il fallait un chef capable d’imposer à la multitude et d’entraîner les masses par l’éclat de son nom et de son rang. Ce Latréaumont était un homme de sac et de corde, plein de vices, mais hardi partisan, brave jusqu’à la témérité, et d’une force de corps prodigieuse. Il eut occasion de se lier avec Louis de Rohan, et celui-ci devint le chef d’une révolte qui avait peu d’éléments et peu de chances de succès. Le complot, avant d’être mûr, fut vendu par un traître : on sait avec