Page:Revue des Romans (1839).djvu/787

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cipale situation ne soit prise de la Baronne de Luz, roman de Duclos ; mais l’ensemble et la manière lui appartiennent, et il a mis partout le cachet de son génie. Ce qui caractérise Zadig, Candide, Memnon, Babouc, Scarmentado, l’Ingénu, c’est un fonds de philosophie semé partout dans un style rapide, ingénieux et piquant, rendu plus sensible par des contrastes saillants et des rapprochements inattendus, qui frappent l’imagination et qui semblent à la fois le secret et le jeu de son génie. Nul n’a mieux compris l’art de tourner la raison en plaisanterie. Il converse avec ses lecteurs, et leur fait accroire qu’ils ont tout l’esprit qu’il leur donne ; toutes les idées qu’il jette en foule se présentent sous un jour clair et sous un aspect agréable. Il a quelquefois, dans les petites choses, le ton sérieusement ironique et la sorte de persiflage que l’on aime dans Hamilton, auteur qui lui ressemble dans son genre, comme une conversation spirituelle ressemble à un bon livre.

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WAILLY (Léon de).


ANGELICA KAUFFMAN, in-8, 1838. — Angelica Kauffman est la fille d’un peintre de la Suisse allemande ; Angelica est peintre aussi, et elle ne tarde pas à surpasser son maître. Les deux artistes viennent chercher fortune à Londres, où lord Shelton, un des roués les plus élégants de l’Angleterre, devient amoureux d’Angelica, que, malgré toute sa ruse, il ne peut parvenir à séduire. Sérieusement épris, Shelton offre en vain sa fortune et son nom. Par l’influence de Shelton, Angelica est chargée de peindre une Vénus pour un des plus fameux clubs de Londres. N’ayant à sa disposition que des modèles vulgaires, la jeune fille se prend elle-même pour modèle, pose devant des glaces, et reproduit sur la toile les plus mystérieux détails de sa chaste beauté ; son tableau est un chef-d’œuvre. Un soir que, toutes les portes closes, elle met la dernière main à son œuvre, Shelton, qui a corrompu les domestiques, pénètre dans l’atelier et surprend le secret d’Angelica. La vierge outragée jette dans les flammes son tableau, qui ne serait plus maintenant que le monument de sa honte. Après plusieurs embûches tendues sans succès à la jeune artiste, Shelton paraît se résigner à n’être que l’ami d’Angelica. Il s’éloigne, et pendant son absence comble les vœux d’un jeune comte suédois dont elle est aimée, en acceptant sa main. Les jeunes époux vont, selon l’usage, passer loin des curieux, à la campagne les premières heures du tête à tête. Le lendemain, Shelton pénètre dans leur chambre, entr’ouvre les rideaux, et jette à Angelica ces affreuses paroles : « Savez-vous, fille arrogante, avec qui vous êtes couchée ?