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Page:Revue des deux mondes - 1937 - tome 40.djvu/806

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Elle n’eut pas de peine à me faire céder. Et, tantôt debout, tantôt assis, nous faisant vis-à-vis devant la bouche de chaleur où nous tendions les mains, l’entretien se renoua. Je ne sais comment nous en vînmes, — peut-être sur un compliment de moi, — à parler de sa chevelure.

— Il m’arrive, dit-elle, quelque chose de singulier. Quand j’y passe le démêloir, il s’en dégage des étincelles.

— C’est curieux ! Je voudrais bien voir…

— Qu’à cela ne tienne ! dit-elle en se levant. Seulement, pour que ces bluettes se voient, il faut être dans un endroit clos.

Elle fit, d’un geste prompt, sauter le nœud du chignon qui, en longue et luisante cascade, déroula ses anneaux derrière elle, et marcha vers un petit cabinet attenant dont la porte se referma sur nous. J’entendis le doux et soyeux crissement du peigne dont les dents, de minute en minute, déposaient sur ma main les petits astres phosphorescents. Cela produisait un léger chatouillement plutôt agréable. Nous nous amusâmes quelque temps à ce jeu, sans aucune malice, et, l’opulente masse remise en ordre, nous reparûmes à la lumière du jour.

La tranquille causerie reprit jusqu’à l’arrivée de Mendès. Après quelques propos, il m’entraîna dans une promenade au jardin et ses premiers mots furent pour dire :

— On me manque de parole, je suis obligé de manquer à la mienne. Mais au premier jour…

Je l’arrêtai, rien ne pressait, je ne venais pas pour cela. Qu’il n’acquittât pas sa dette, c’était le moindre de mes soucis, comme ce fut par la suite le sien de s’en souvenir. Et tout de suite, il se lança dans une dissertation sur la métrique. Il se piquait de profondeur et de subtilité en la matière, et nul n’ignorait, pour le lui avoir entendu dire, qu’il avait communiqué sa science à toute la génération poétique contemporaine, à Coppée en particulier à qui il avait appris à faire les vers.

Judith Gautier est devenue depuis l’auteur de l’Usurpateur, d’Iskender et de vingt autres grands ou petits romans de la Perse et de l’Empire céleste. Elle a la vision et le don des reconstitutions historiques ; l’auteur aussi de cette belle fantaisie dramatique, la Marchande de sourires, tant applaudie à l’Théâtre de l’Odéon|Odéon. Je l’ai revue bien des fois, aux soirées de Mme Adam, chez Leconte de Lisle, etc., aux banquets solennisant