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Page:Revue des deux mondes - 1937 - tome 40.djvu/807

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quelque événement ou fondation littéraires, et chez elle, rue Washington, à ses après-midi du dimanche, dont je fus des plus assidus.

L’appartement se prolonge d’un large balcon sur terrasse où le précédent locataire, — un nom des lettres qui m’échappe, — avait installé un verger, treille, fraisiers, arbres à fruits dont s’alimentait sa table. Il n’y a plus que des fleurs. Le grand salon est artistiquement meublé et décoré de chinoiseries et japonaiseries accrochées aux murs, au plafond, et de larges divans. Elle continue à s’y promener de son pas nonchalant, allant de l’un à l’autre et échangeant un mot, offrant des bonbons et des liqueurs exotiques. Les visiteurs sont tous artistes, et en grande partie musiciens, les frères Hillemacher, Franz Servais quand il vient de Bruxelles à Paris. C’est là que, sur un théâtre minuscule, eurent lieu les représentations de la Tétralogie et du répertoire de Wagner ; de gentils pantins, donnant à la perfection l’illusion de la vie, tenaient les rôles et faisaient les gestes ; des amateurs, leurs femmes, chantaient dans la coulisse ; un maître compositeur était au piano ; d’autres aux ficelles actionnaient les personnages. Et c’est elle, Judith, qui avait fabriqué, attifé, tout ce petit monde de soie et de bois et lui avait insufflé une âme. Encore une fois elle est fée, et, sous ses doigts prestigieux, toutes les menues choses d’art éclosent spontanément.