Page:Revue des questions historiques, Tome X, 1871.djvu/305

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Got n’avaient pu se rencontrer en Saintonge à l’époque indiquée par Villani ; c’était le journal des Visites pastorales de l’archevêque de Bordeaux, du 17 mai 1304 au 22 juin 1305. L’original, qui fut consulté au XVIIe siècle par André du Chesne, et au siècle suivant par les Bénédictins auteurs du Gallia christiana, n’existe plus, ou, du moins, n’est pas connu ; mais les archives du département de la Gironde en conservent un abrégé fait au XVIe siècle, abrégé qui porte le titre trompeur de : Inventaire des cartes de l’archevêché. Ce document offre donc toutes les garanties qu’on peut souhaiter : les séjours de Bertrand de Got y sont inscrits jour par jour ; il n’était pas en Saintonge au mois de mai, que Villani indique comme ayant été l’époque de la prétendue entrevue entre Philippe et Clément.

Mais si Bertrand de Got n’était pas en Saintonge, il était en Poitou, et peut-être pourrait-on croire que le chroniqueur italien, mal renseigné, a substitué au Poitou la Saintonge qui en était voisine, et que l’entrevue a eu lieu dans la première de ces provinces. L’itinéraire de Philippe le Bel, publié dans le tome XXI du Recueil des Historiens de France, d’après des diplômes originaux ou les registres de la chancellerie, démontre que Philippe ne s’est pas rendu et n’a pu se rendre en avril et en mai 1305 ni en Poitou, ni en Saintonge. L’entrevue de Saint-Jean-d’Angély doit donc être reléguée au nombre des fables.

Ici se présente une question. Villani, d’accord avec la plupart des chroniqueurs contemporains, prétend que Clément V a été élu Pape grâce à l’influence de Philippe le Bel, et ce serait par reconnaissance, ou même en vertu d’engagements formels, que Clément se serait montré, pendant tout son pontificat, entièrement dévoué au roi de France. L’archevêque de Bordeaux a parfaitement pu ne pas avoir eu de rendez-vous et avoir traité par lettre ou par des intermédiaires. Les conditions mises par Philippe le Bel à l’élection de Bertrand de Got, pour n’avoir pas été formulées à Saint-Jean-d’Angély, ont pu être posées et acceptées par écrit ou par messager. Ce qui donne une certaine force à cette supposition, et qui la rend même vraisemblable, c’est que les conditions indiquées par Villani ont été véritablement remplies ; que Clément V refusa de céder sur un seul point, sur la condamnation de la mémoire de