ment il eut peur que le gouvernement de Louis XIV trouvât mauvais de voir publier des documents qui auraient jeté un jour fâcheux sur la conduite d’un de ses prédécesseurs. Et ce n’est pas là de notre part une supposition invraisemblable. On sait que Mézeray perdit la pension qu’il avait sur le Trésor royal, pour avoir parlé trop librement des anciens rois de France, et Colbert manifestait une publique aversion pour Suétone, coupable d’avoir pris la licence de tracer une peinture vraie des vices des empereurs romains, ce qui était, à ses yeux, d’un mauvais exemple. Enfin, Baluze lui-même éprouva les rigueurs du roi et fut exilé pour avoir, dans son Histoire généalogique de la maison d’Auvergne, voulu faire descendre la famille de Bouillon des rois carlovingiens. Le registre 10919 nous apporte donc, sur le sujet qui nous occupe, un certain nombre de documents inédits tenus dans l’ombre pour des causes politiques.
La publication de Baluze peut elle-même nous donner des notions nouvelles et qui n’ont pas été mises à contribution par ce fait bien simple que la plupart des lettres de Clément V ont reçu de l’éditeur une date erronée. On sait que les lettres apostoliques sont datées, non de l’année de l’Incarnation, mais de celle du pontificat ; or Baluze et Dupuy ont cru que Clément V datait les actes émanés de sa chancellerie du jour de son élection, c’est-à-dire du 5 juin 1305, tandis qu’il fait partir son pontificat du jour de son couronnement, le 14 novembre de la même année. C’est là un fait qui a, au xviiie siècle, attiré l’attention des auteurs de l’Histoire générale de Languedoc, dom de Vic et dom Vaissette[1] ; de Mansi, l’annotateur des Annales de l’Église du cardinal Baronius et de son continuateur Rainaldi, et de nos jours, de M. Natalis de Wailly[2]. Ces savants, surtout le dernier, ont donné la preuve la plus convaincante que les actes de Clément V sont datés de son couronnement.
Les fausses dates assignées jusqu’ici à la plupart des lettres de Clément V ont eu de sérieuses conséquences, entre autres de rendre à peu près incompréhensible la correspondance de ce Pape avec Philippe le Bel. C’est ainsi que, six mois avant l’arrestation des Templiers, Clément V est censé écrire à Phi-