Page:Revue des questions historiques, Tome X, 1871.djvu/574

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

eut un autre théâtre et doit avoir une autre date. Comme elle guerroyait en 1439, dans une province voisine, en Poitou, c’est alors et c’est là qu’elle put s’emparer de quelque place forte, à l’aide d’une fraction des troupes espagnoles demeurée dans le pays.

Quoi qu’il en soit, sa renommée grandit ; car, l’année suivante, au mois d’août, les événements militaires ou tout autre motif l’ayant ramenée aux environs de la capitale, « la grande erreur commença de croire fermement que c’estoit la Pucelle ; et pour ceste cause, l’Université et le Parlement la firent venir à Paris bon gré mal gré 41. » Les Parisiens, durant l’occupation anglaise, n’avaient ni bien connu ni bien jugé l’héroïne d’Orléans. A plus forte raison devaient-ils être mal disposés envers celle qui usurpait son nom et sa qualité. Elle-même sentit qu’elle ne ferait point d’adeptes parmi eux ; aussi l’on conçoit qu’elle ne se soit pas montrée plus tôt dans la grande ville, et qu’elle n’y soit venue que par contrainte. Elle y eut simplement un succès de curiosité. Les redoutables théologiens de la Sorbonne lui posèrent mille objections. Exhibée au peuple dans la grande cour du Palais, sur la pierre de marbre, elle fut prêchée sans ménagement. On lui reprocha de n’être point pucelle, d’avoir été mariée à un chevalier dont elle avait eu deux fils, d’avoir commis une violence sacrilége qui l’avait forcée d’aller demander l’absolution à Rome, d’avoir fait en Italie le métier de soudoyer, d’avoir été par deux fois homicide en combattant. Les particularités de son existence dévoilées ainsi au grand jour, non probablement sans enquête préalable, elle n’avait plus rien de bon à attendre des Parisiens. Encore dut-elle s’estimer heureuse de sauver une fois de plus sa liberté. Elle s’échappa et retourna en guerre.

Malgré un aussi grave échec, ni elle ni ses fauteurs ne se tinrent pour battus. Le bruit même qui s’éleva autour de cette nouvelle affaire les servit. Le Roi, si longtemps sourd aux sollicitations et aux échos de la renommée, se laissa tenter par la curiosité : il voulut voir de ses yeux cette soi-disant ressuscitée, afin de faire tomber définitivement, s’il y avait lieu, un masque imposteur, ou dans le cas contraire, d’utiliser le secours