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Page:Revue des questions historiques, Tome X, 1871.djvu/575

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de la Pucelle dans la guerre qu’il venait de reprendre activement. Il donna donc des ordres pour qu’elle lui fût amenée.

C’est ce que Jeanne demandait depuis longtemps. L’heure décisive était arrivée ; elle touchait au Capitole... ou à la Roche Tarpéienne. Comptant des amis jusque dans l’entourage de Charles VII, elle apprit facilement son rôle : on la prévint que le Roi était blessé à une jambe et qu’il portait une « botte fauve ; » il n’y avait donc pas à se méprendre sur sa personne, s’il renouvelait l’épreuve tentée autrefois sur la vraie Pucelle, lors de sa première apparition à la cour. Charles, en effet, ne manqua pas de recourir à cette pierre de touche, qui lui avait si bien réussi.

Le moment de l’audience venu, il se retire sous une grande treille, au fond d’un jardin, et commande à un de ses gentilshommes de s’avancer à la rencontre de la dame aussitôt qu’elle se présentera, comme s’il était le roi. Jeanne arrive, et, ne reconnaissant pas sur celui qui l’aborde le signe indiqué, passe outre. Elle découvre le prince, et va droit à lui.

Charles demeure « esbahi, » et ne sait que penser. Mais bientôt, subitement inspiré, il la salue d’un air courtois et lui dit : « Pucelle, ma mie, soyez la très-bien revenue, au nom de Dieu qui connaît le secret qui est entre vous et moi ! »

A ce mot, la malheureuse, ignorant totalement ce dont le Roi veut parler, reste à son tour interdite. Puis soudain elle tombe à genoux en demandant grâce, elle s’accuse et confesse toute la trahison. L’intrigue est déjouée. C’est une chute piteuse, un dénouement brusqué, — et miraculeux, ajoute le narrateur de la scène.

Ce narrateur, Pierre Sala, fut successivement attaché à la maison de Louis XI, de Charles VIII et de Louis XII ; il tenait tout le récit de l’entrevue de la bouche du sire de Boisy, chambellan et confident favori de Charles VII lui-même. Il donne le fait comme postérieur de dix ans à la mort de Jeanne d’Arc, ce qui le met, par conséquent, en 1441 42. Si l’on observe