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Nous pourrions dire à notre tour : « Tiens, c’est l’instruction qu’ils veulent, et ce sont les livres qu’ils brûlent ! »

Nous espérons très-vivement n’avoir jamais à le dire.


II


Quoi qu’il en soit, il ne faut point nous décourager ni décourager ceux qui travaillent. C’est pour faciliter les études historiques, c’est pour leur donner un caractère véritablement scientifique, que nous allons parler ici de l’instruction scolaire dans ses rapports avec la Géographie et l’Histoire. Nous dirons là-dessus notre pensée très-nettement.

L’enseignement de la Géographie et de l’Histoire peut être considéré comme à peu près nul dans la plupart de nos collèges et de nos écoles. Je dis nul, et ne m’en dédis pas. Toute notre éducation est d’ailleurs à refaire : delenda est.

Nous sommes, au point de vue pédagogique, dans le même état qu’en 1650, à fort peu de choses près. Nos collégiens se lèvent, mangent, font des thèmes et dorment aux mêmes heures et de la même façon que dans un collège d’il y a deux siècles. Nous n’avons tenu compte d’aucun progrès scientifique, d’aucun changement politique et social, et nous expliquons bravement Cornélius Nepos ou les Métamorphoses d’Ovide avec la même placidité et le même sourire ravi qu’autrefois. Nous avons passé, nos pères ont passé et nos fils passeront dix ans de leur vie à peser des mots. Car on ne fait pas autre chose au collège. Des mots, des mots, des mots : pas d’idées. Je me rappelle avec colère cet enseignement que j’ai subi. Pendant dix ans, on m’a appris à ne me servir que « de mots élégants, » en latin et en grec. Je me souviens de notre professeur de troisième qui nous fit longtemps admirer, dans je ne sais quel classique, cette admirable expression : Multas inter gentes. « Voyez, messieurs, nous disait-il. L’auteur latin eût pu écrire inter multas gentes. Mais il a très-habilement placé inter entre les deux autres mots, parce qu’inter signifie « entre. » Et vite, nous écrivions cette finesse sur notre cahier de bonnes expressions. Hélas !

Je connais un collège (je ne le nommerai pas) où le professeur de rhétorique a trouvé un excellent moyen de faire recevoir tous ses élèves au baccalauréat. Il s’agit de les mettre à même d’écrire en deux heures un discours latin plein d’élégances cicéroniennes. Notre homme s’est dit, non sans quelque raison, que tous les discours du monde peuvent se ramener à vingt types… tout au plus. Il y a le discours d’adieu, le discours de supplication, le discours de félicitation, etc. Le professeur, fort habile latiniste, a, de sa meilleure plume, composé ces vingt discours-là et les a fait apprendre à ses élèves. Ce n’est pas tout. Chacune de ces oraisons contient trois