Page:Revue des religions, Vol 1, 1892.djvu/522

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me voilà en butte à la haine... Maintenant, j’ai peur, oh ! j’ai peur du combat... » et, en disant cela, sa voix s’étouffait dans les sanglots...

Après avoir rendu à son ami les derniers devoirs Gilgamès s’enfuit en toute hâte, par crainte d’être surpris, lui aussi, par la mort : « Non, se dit-il en lui-même, je ne veux point mourir comme Eabani. Maintenant que j’ai été éprouvé par la douleur, j’ai peur, oh ! j’ai peur de la mort... [1] »

Une perte aussi cruellement ressentie, modifia profondément l’humeur de Gilgamès. De ce jour, ce ne fut plus le même homme. Hanté par de sombres visions, il ne rêva plus de combats, mais d’immortalité. Au lieu de courir les belles aventures, il se mit en quête du secret de la vie. L’infatigable lutteur fit place en lui au chercheur inquiet. Ainsi voyons-nous, dans le poème de Gilgamès, aux récits de guerre, succéder les récits de voyage. La mort d’Eabani est comme le centre de l’action. Elle est la fin d’une Iliade et le commencement d’une Odyssée.


* * *


Gilgamès comptait parmi ses aïeux un certain Samas-napistim et sa femme, lesquels, après avoir été sauvés miraculeusement du déluge, avaient obtenu des dieux, par un privilège unique, le don d’immortalité. Le

  1. Tab. VIII. Col. VI, l. 28-32 et Tab. IX. Col. I, l. 1-5.