Page:Revue des religions, Vol 1, 1892.djvu/525

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Gilgamès s’engagea hardiment sur cette route obscure, que suit le soleil au dessous de l’horizon. Après avoir marché pendant vingt-quatre heures, à l’aveugle, à travers la nuit profonde [1], il se trouva tout d’un coup, ô surprise ! en pleine lumière, parmi des jardins enchantés, tout plantés d’arbres ravissants, avec leurs branches pendantes et leurs fruits étincelants comme des pierres précieuses. Gilgamès avait enfin mis le pied sur cette terre idéale, située sur les rivages lointains, aux extrémités du monde, il touchait à ce pays du rêve, qui se cristallisa, dans l’imagination des peuples jeunes, en ces paradis enchanteurs où l’on cueillait les pommes d’or [2].

Gilgamès, cependant, allait son chemin... Il allait, conservant le même aspect, — le corps couvert d’une lèpre, qui servait de vêtement à sa chair divine, — et gardant au cœur la même blessure... Maintenant, il touchait aux bords de la vaste mer, aux limites de l’empire de la déesse Sabit. Or, celle-ci, ayant tourné les yeux de ce côté, du haut de son trône, aperçut au loin Gilgamès. A la vue de cet inconnu, son premier mouvement fut un mouvement de surprise. « Quel est donc, dit-elle en elle-même, ce voyageur imprudent, qui s’est aventuré en de si périlleux chemins ? Où égare-t-il donc ses pas ? » Mais dès qu’elle l’eût reconnu, aussitôt, elle ferma sa porte avec soin... A ce bruit, Gilgamès tendit l’oreille et se tint sur la défensive. Puis, s’étant avancé, il cria à travers la porte : « Voyons, Sabit, pourquoi es-tu ainsi effrayée à ma vue ? Pourquoi as-tu fermé la porte sur toi ? Si tu ne l’ouvres, je saurai bien l’enfoncer [3]. »

Devant de telles menaces, force fut à la déesse de

  1. Tab. IX. Col. IV, l. 44-50 et Tab. IX. Col. V, l. 23-45.
  2. Tab. IX Col. V. 1. 46-51. Cf. Tab. IX. Col. VI.
  3. Tab. X. Col. I, l. 1-22.