Page:Revue des traditions populaires, Tome 8, 1893.djvu/534

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« Pour combien de temps veux-tu conclure l’engagement ? » demanda le « vieux maître ».

« Même pour toute ma vie, » fut la réponse du paysan.

Mais l’étranger remarqua que c’était impossible et qu’ils ne pouvaient traiter que pour sept ans ou deux fois sept ans.

Le paysan y consentit.

« Eh bien, viens jeudi prochain, apporte ton lièvre noir, et je t’amènerai l’ouvrier et la servante qui ne te demanderont ni à manger ni à boire, mais pendant la sécheresse tu dois les mettre pour la nuit à tremper dans l’eau, sans quoi ils sécheront et ne pourront plus travailler. »

Le paysan se trouva exactement le troisième jeudi au carrefour ; il siffla et le « vieux maître » apparut tout de suite, mais seul, il n’y avait ni l’ouvrier ni la servante avec lui.

« Tu dois me donner trois gouttes de sang de ton annulaire (doigt sans nom) pour la confirmation du traité et pour que tu ne puisses reculer après, » dit l’étranger.

Le paysan demanda où sont l’ouvrier et la servante.

« Dans le sac, » dit le vieux maître.

La sacoche n’était pas assez grande, et le paysan crut à une fourberie. L’étranger qui semblait deviner ses pensées lui dit : « Je ne te trompe pas. » Il plongea la main dans la sacoche et jeta un étui de la grandeur d’une quenouille par terre en disant : « Voilà ton ouvrier ! » Un homme de grande taille et aux larges épaules se tint tout de suite à côté du vieux maître. De l’autre étui qu’il jeta de la sacoche sortit la servante.

« Voilà tes domestiques qui ne veulent pas manger, » dit l’étranger. « Maintenant donne-moi les gouttes de sang et le lièvre noir ; puis tu pourras rentrer chez toi. » Le paysan fit ce qu’on lui ordonnait et demanda enfin les noms de ses nouveaux domestiques. « Le nom de l’ouvrier est Puulane (de bois) et le nom de la servante Tohtlane (d’écorce) » dit le vieux maître, puis il mit le prétendu lièvre dans son sac et disparut. Le paysan rentra avec ses domestiques chez lui.

L’ouvrier et la servante travaillaient tous les jours, du matin au soir, sans demander à manger, ce qui plaisait beaucoup au paysan. Quand parfois pendant les chaleurs d’été ils paraissaient sécher, on les mettait pour la nuit à tremper et le lendemain matin ils étaient frais et forts comme auparavant. Le paysan avare accrut dès lors ses trésors chaque année, n’ayant ni à nourrir ses domestiques ni à leur payer un salaire. Ainsi s’étaient passées deux fois sept années et il ne s’en fallait que de quelques semaines. Il était accablé de chagrin