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en songeant qu’il allait perdre les domestiques et il réfléchit aux moyens de prolonger le délai stipulé.

Un matin s’étant levé, il vit que l’ouvrier et la servante n’étaient pas au travail. Il crut qu’ils dormaient encore au grenier et il y grimpa par l’échelle, mais il n’y trouva pas un être vivant. Sur la couche où ils avaient dormi il ne vit qu’un morceau de bois pourri et une petite masse d’écorce de bouleau. Soudain il comprit ce que signifiaient les noms de la servante et de l’ouvrier, qui avaient été créés de bois et d’écorce par une force magique. Il voulut redescendre par l’échelle, mais une main le saisit par la gorge et l’étrangla.

La femme ne trouva plus tard au grenier que trois gouttes de sang. En entrant au magasin des provisions elle remarqua que le blé avait disparu et que la caisse d’argent était remplie de feuilles sèches de bouleau. Toute la fortune avait disparu et la femme en mourut de chagrin, sans même savoir que le « vieux garçon » avait étranglé son mari qui par avarice lui avait vendu son âme.


III

la nymphe de la mer et m. de pahlen[1]


Une fois dans des temps anciens un des seigneurs de Pahlen se promena au bord de la mer et il y vit une vierge assise sur une pierre et pleurant amèrement. M. de Pahlen s’approcha et lui demanda pourquoi elle pleurait. La vierge le regarda quelques instants avec des larmes dans les yeux, soupira et ne répondit point. Le monsieur lui caressa avec compassion la tête et les joues et lui dit de nouveau :

« Raconte-moi tes peines de cœur, je ne le demande pas par curiosité, mais je veux sécher tes larmes si c’est possible. »

La vierge répondit en pleurant : « Tu es un homme mortel et tu ne peux m’aider, je suis sous une loi supérieure. Mais tu es si aimable envers moi que je veux te raconter la cause de mon chagrin. Je suis la fille unique du père de la mer et je dois sans hésitation exécuter ses ordres, quoique mon cœur en saigne et que les larmes en coulent de mes yeux. Ce matin il m’a ordonné de soulever vers

  1. La famille de Pahlen (en Estonie) est une des rares familles nobles qui pendant le servage ont traité avec égard leurs serfs. Autant que je sache il n’y a pas chez nous une famille noble à laquelle les contes populaires auraient préparé une couronne d’honneur pareille à celle de la famille de Pahlen. Kreutzwald.

    Dans le Recueil de Kreutzwald il y a sept contes locaux sur la famille de Pahlen.