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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

monde. Les conjectures vont leur train. Chacun prophétise de son mieux et passe en revue des régiments d’hypothèses qu’on peut multiplier à l’infini. Pour nous en tenir aux faits, il ne semble pas que le traité soit le résultat d’une lente orientation des deux pays l’un vers l’autre ; c’est une œuvre de circonstance nécessitée, au point de vue Anglais et au point de vue Japonais, par la politique agressive et peu honnête de la Russie en Extrême-Orient. La fidélité que notre honneur comme notre intérêt nous ordonne de garder envers notre alliée, ne doit pas nous aveugler sur ses mérites ou ses démérites ; il est trop certain que la Russie qui accomplit en Finlande une besogne aussi vilaine qu’absurde, s’est, en Extrême-Orient, moqué de l’Europe. Elle seule, dans le désintéressement général qu’avaient provoqué les dangers courus à Pékin par les représentants de la civilisation occidentale, ne pensa qu’à s’agrandir et à s’enrichir : par des négociations prématurées avec l’ennemi commun, elle affaiblit la portée de l’expédition et en compromit les résultats. L’Angleterre, les mains liées par la guerre Sud-Africaine et ne pouvant défendre ses intérêts, chercha pour les lui confier un tiers de bonne volonté. Un moment on crut que ce tiers serait l’Allemagne, mais l’Allemagne pour plaire à l’Angleterre ne voulait pas se brouiller avec la Russie ; elle ne prit pas assez à cœur l’affaire de la Mandchourie. Il ne restait donc que le Japon, le Japon dont les progrès matériels sont incessants, qui a l’avantage d’être sur place et qui s’est construit, pour servir ses ambitions, une flotte puissante. L’alliance fut vite conclue. Consolidera-t-elle la paix ? Précipitera-t-elle la guerre ? C’est à savoir. Mais sa conséquence la plus immédiate et la plus grave, c’est Lord Roseberry qui l’a déduite dans un de ses derniers discours : à présent, a-t-il dit en substance, l’Angleterre ne peut en rester là. Elle a un allié en Asie : il lui en faut un en Europe. Et cette parole est à méditer parce qu’elle souligne l’importance du changement qui vient de se produire dans les procédés politiques de la Grande-Bretagne. La politique nouvelle, ce sera vraisemblablement Lord Roseberry lui-même qui l’appliquera ; en se séparant définitivement de ce qui reste du parti libéral, il a changé en quasi certitude les chances qu’il avait déjà de devenir bientôt premier ministre.

L’agrarisme en Prusse.

Dans un journal autrichien, le célèbre professeur Max Nordau, considère l’agrarisme comme « la transformation la plus moderne