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REVUE DU PAYS DE CAUX

Les trop rares publicistes qui ont étudié la question d’Autriche en ont en général, mal posé les termes. Ils se sont demandés si les races très diverses de langage, de religion et de tempérament qui composent l’empire de François-Joseph, n’avaient pas intérêt à demeurer unies et si l’Europe, de son côté, n’avait pas intérêt au maintien de cette union. L’un d’eux a même réédité, à cette occasion, un mot fameux : l’empire Autrichien, a-t-il dit, est tellement nécessaire que s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer. Par malheur, non seulement les hommes ne créent pas toujours les institutions nécessaires ; mais il leur arrive de les renverser très mal à propos et au rebours de leurs intérêts. De sorte que cet argument n’a guère de valeur pratique. En fait, la question est tout autre ; la voici, ramenée à sa plus simple expression. L’Autriche est un État qui d’Allemand est devenu slave ou du moins dont la balance après avoir penché du côté Allemand penche maintenant du côté slave. Il y a, à cette transformation, de nombreux motifs. D’abord l’Autriche a perdu des territoires germaniques et acquis des territoires slaves ; en second lieu, les populations slaves sont, en général, bien plus prolifiques que les populations germaniques ; en troisième lieu, les slaves qui demeurèrent longtemps désunis et s’ignorant les uns les autres se sont rapprochés et savent, à l’occasion, faire cause commune ; on pourrait citer encore d’autres faits qui expliquent le renversement du sablier Autrichien. Mais quelles que soient les causes, le résultat est manifeste ; dans l’empire où ils dominaient hier, les Allemands ont cessé d’être les maîtres ; ils doivent obéir à leur tour ; chaque jour désormais leur enlèvera un privilège et leur fera sentir plus durement leur changement de situation. De tels changements paraissent toujours difficiles à supporter aux races qui s’y trouvent condamnées ; mais d’ordinaire, ils coïncident avec un abaissement de la race. Ici, par une très singulière anomalie, c’est l’inverse. La race Allemande se sent amoindrie et humiliée en Autriche, au lendemain même des éclatants triomphes qui ont exalté son orgueil en la plaçant, dans le monde, à un niveau qu’elle n’avait jamais atteint auparavant ! chose plus extraordinaire encore, cette diminution de pouvoir et de prestige se produit dans un pays limitrophe de celui où s’est opérée son élévation et sans parler des groupes restreints qui vivent dispersés dans le reste de l’empire Austro-Hongrois, cet empire contient