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Page:Revue du Pays de Caux n2 mai 1902.djvu/22

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REVUE DU PAYS DE CAUX

assurèrent dix-huit années consécutives d’un pouvoir trop absolu et — en 1886 — la découverte des mines d’or.

Quelles que soient l’admiration et la sympathie qu’inspirent le caractère et les malheurs du président Krüger, il est désormais impossible de ne pas lui attribuer une large part de responsabilité dans les événements terribles des dernières années ; il ne fit rien pour hâter les progrès des Boers et les mettre à même de résister aux étrangers que la recherche de l’or amenait dans leur pays ; toute sa politique consista à résister : il n’en entrevit et n’en appliqua jamais d’autre. Le Boer est un homme étrange. L’extrême médiocrité de sa vie ne le fait pas souffrir. M. Pierre Leroy-Beaulieu, l’un des derniers et le plus avisé des voyageurs qui visitèrent le Transvaal avant le raid Jameson, a décrit les fermes, entourées de quelques saules pleureurs et de quelques eucalyptus et dans lesquelles rien ne rappelle la traditionnelle propriété Hollandaise ; à l’entour, une maigre culture de pommes de terre, puis des pâturages sans fin. L’idéal du Boer est de « ne pas apercevoir à l’horizon la fumée du toit de son voisin ». Quand même il ne peut utiliser que 50 acres, il lui en faut 50,000. On comprend alors pourquoi 40,000 paysans, répartis sur un territoire beaucoup plus vaste que la France, ne s’y trouvaient pas à l’aise. Ils tentaient à chaque instant de s’agrandir, non pas seulement vers la mer, ce qui eût été de bonne politique, mais vers l’intérieur des terres. Dès le lendemain de la conférence de Londres, ils exécutent des raids, en vue d’annexer Mafeking qui a été compris dans le protectorat Anglais ; en 1890, ils tentent d’entamer une autre portion du territoire Britannique ; dans l’intervalle ils attaquent les Zoulous, les Swazis et le Tongaland. On comprend de quel œil de pareils hommes devaient envisager l’invasion d’étrangers, conséquence immanquable de la découverte de l’or. Toutefois, la région de l’or étant très limitée, les exploiteurs qui y demeuraient cantonnés n’eussent guère troublé les Boers dans leur quiétude, si la plupart d’entre eux n’avaient été Anglais. Les nouveaux arrivants épousaient la vieille querelle de leurs prédécesseurs et leur passion de revanche. Johannesburg devint, de la sorte, un foyer ardent de propagande et d’agitations Britanniques. Discours, drapeaux, toasts, tout était motif à ces manifestations pataudes et maladroites dont les Anglais sont coutumiers et dont, en général, ils ne saisissent pas, eux-mêmes, le caractère prodigieusement agaçant pour tous autres que leurs compatriotes.