Page:Revue du Pays de Caux n3 juillet 1902.djvu/18

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
REVUE DU PAYS DE CAUX

riches les colonies Grecques d’Alexandrie, de Marseille et de Londres, on se demande si celle de New-York n’est pas destinée à s’élever plus haut encore.

Le Campanile de Venise.

Une catastrophe artistique d’autant plus déplorable qu’elle aurait pu être évitée s’est récemment produite à Venise. Le merveilleux campanile qui s’élevait sur la place de Saint-Marc, à côté de la basilique, s’est effondré et si la basilique elle-même s’est trouvée heureusement épargnée, plusieurs statues et œuvres d’art ont été détruites. La tour sera reconstruite et tel est le prestige qu’exerce dans le monde entier la prodigieuse cité, que déjà les dons affluent de tous côtés, comme si l’Italie n’était pas assez riche pour payer la reconstruction ; mais il faut voir dans ce concours de bonnes volontés la preuve de la solidarité internationale que crée dans le monde moderne, l’œuvre d’art ; et cette solidarité est bonne et utile. Tant de choses séparent les hommes ! Il est réjouissant de constater que certains sentiments les unissent aussi fortement que d’autres les divisent. L’administration Italienne, s’il faut en croire certains chroniqueurs bien informés, ne méritait pas toutefois d’être aidée de la sorte, dans la réparation d’un désastre causé par son incurie. Non seulement la situation de Venise, à demi soutenue par des pilotis et perpétuellement rongée en dessous par les flots de l’Adriatique, nécessite que ses monuments, si nombreux et uniques en leur genre, soient l’objet d’une vigilance de tous les instants, mais le campanile, en particulier, excitait depuis longtemps des craintes trop justifiées. Voici vingt ans qu’un architecte, employé par l’État à des travaux de réfection du palais Ducal, ne se lassait pas de signaler aux autorités le danger dont il avait découvert la menace. Mais comme le campanile n’était pas dans ses attributions, on ne se donnait même pas le souci de lire ses rapports ; on les retrouvera tous intacts dans les cartons où ils furent ensevelis l’un après l’autre. Bien plus, le pauvre homme s’étant permis d’écrire à la reine Marguerite pour lui demander d’intervenir, ses chefs le destituèrent. Voilà, direz-vous, une fichue administration ! Heureusement qu’il n’y en a pas beaucoup comme cela ! Détrompez-vous, cher concitoyen, elles le sont toutes. Il paraît même que celle-ci était renommée pour son zèle et son activité ; jugez un peu de ce que valent