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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

les autres. Et de cet événement si fâcheux, retenez bien ceci : plus vous aurez d’inspecteurs et de sous-inspecteurs pour un monument ou une institution, moins bien iront les choses. Ah ! la bureaucratie, Seigneur Dieu ! Quelle lèpre pour une civilisation !

La Retraite de Lord Salisbury.

Le vieux Lord, auquel nul ne contestera, vu son âge avancé, le droit de se reposer, se retire sous un amas de fleurs dont bien peu sont méritées. Ses services, il est vrai, se recommandent par la quantité, sinon par la qualité ; il fut premier ministre pendant plus de treize ans, sans compter les cabinets dont auparavant, il avait fait partie comme ministre des Indes, puis des Affaires Étrangères ; en somme il est sur la brèche depuis près de quarante ans : comme durée, c’est une belle carrière. Il a présidé le gouvernement de son pays une année de plus que Gladstone et, dans l’histoire Britannique, on ne trouve guère que Pitt et Robert Walpole dont le séjour au pouvoir se soit prolongé davantage. Mais il suffit précisément de rapprocher son nom de ceux de si illustres devanciers, pour s’apercevoir à quel degré il leur est inférieur. L’Angleterre qu’il abandonne n’est pas seulement tout l’opposé de celle qu’il a prise ; ceci n’aurait rien d’extraordinaire ; un homme d’État a le droit et même le devoir, en certaines circonstances, de changer d’avis ; mais Lord Salisbury justement n’a pas changé d’avis ; il est demeuré, au fond de lui-même, fidèle à sa conception du monde et cette conception, il l’a desservie, en sorte que l’Angleterre d’aujourd’hui est toute différente de ce qu’il eut souhaité qu’elle fut. Hautain, sceptique et dédaigneux, il lui est arrivé maintes fois de marquer, par une plaisanterie ou un sourire ironiques, le peu de cas qu’il faisait des mesures préconisées par les membres de son cabinet ou par lui-même et la médiocre estime qu’il professait à l’égard de sa propre politique. Agissait-il ainsi par ambition, par soif du pouvoir, ne pouvant se décider à le quitter ? Nullement. Lord Salisbury, très grand seigneur en cela, aimait beaucoup les loisirs intellectuels de la vie privée dont il savait profiter et ne dissimulait pas toujours l’ennui qu’il éprouvait d’être éloigné de sa belle résidence d’Hatsfield par les labeurs de la vie publique. Alors, comment s’expliquer ces autonomies ?… Par la faiblesse caractéristique du