Page:Revue du Pays de Caux n4 juillet 1903.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
145
JULES SIMON

tions légitimes de la démocratie ; Jules Simon n’y joignait aucune proposition en faveur de la laïcité. Il avait sans doute des préférences pour l’école laïque, mais il eût craint de pécher contre la liberté en excluant de l’enseignement officiel toute une catégorie de citoyens. Le même souci s’affirme dans ses circulaires relatives à l’enseignement secondaire et à l’enseignement supérieur ; partout, on relève la volonté ferme de maintenir les droits de l’État et en même temps de respecter ceux de l’individu. Il donna d’ailleurs, peu d’années après avoir quitté le pouvoir, un exemple retentissant de son attachement aux doctrines libérales. Quand le fameux « article 7 » de Jules Ferry voté par la Chambre vint en discussion devant le Sénat (1880) la lutte des partis s’établit très vive autour de cette mesure discutable dans son application plus encore que dans son principe. Ses amis pressaient Jules Simon d’apporter son concours à ce qu’ils appelaient une œuvre de défense républicaine ; bien d’autres obéissant il leur intérêt eussent acquiescé ou bien se fussent abstenus d’intervenir ; mais lui n’hésita pas ; il se jeta dans la mêlée défendant, par amour de la liberté, ces Jésuites qu’il n’aimait pas et contre lesquels était dirigé le projet de loi. Grâce à lui, à l’éloquence prodigieuse qu’il déploya, l’article 7 fut rejeté.

Sans s’apercevoir que Jules Simon venait de mettre glorieusement en pratique les idées dont il était sous l’empire l’apôtre applaudi par eux, les républicains lui en voulurent comme d’une trahison. Et la droite mit à le fêter plus de reconnaissance pour le service rendu que d’admiration pour la grandeur d’âme dont il avait fait preuve. Il avait accueilli les nouveaux amis comme il supporta la retraite momentanée des anciens avec cette aménité du vrai philosophe qui, ayant pour lui le témoignage de sa conscience, peut attendre les retours certains de la justice.

Et neuf années ne s’étaient pas écoulées qu’un nouveau chassé-croisé s’opérait autour de lui. Dès qu’il vit poindre le Boulangisme dont le véritable caractère n’apparaissait pas encore aux yeux de beaucoup de républicains, il le dénonça avec une superbe violence, s’exposant en première ligne aux représailles du futur dictateur. Et à cet âge, risquer l’exil demandait assurément une volonté et une abnégation peu communes. La campagne menée par Jules Simon ne fut pas vaine ; il eut la joie de se dire que ses efforts avaient largement contribué à sauver la patrie d’un despotisme d’autant plus inquiétant que celui au nom duquel il se fut établi