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DU BASSIN DE L’EURE À BOWLING GREEN

et de la confiture ou de la compote de pruneaux. Les pruneaux ont beaucoup de succès. Je pense à Tartarin !

Quand le jour décroît, les lampes électriques du bord s’allument toutes à la fois. On voit d’abord au centre des globes de cristal une lueur rougeâtre très faible qui se change bientôt en un point lumineux, lequel à son tour devient un fil incandescent. Et alors les dorures resplendissent et on a presque une impression de comfort et de home en rentrant du dehors où la mer fait son grand bruit dans l’obscurité. J’aimerais à voir d’un peu loin passer la Bretagne ainsi illuminée. Cela doit être une impression rare ; je me demande ce qu’en pensent les poissons !

Le dîner a lieu à 6 heures et il y a encore le thé à 9 heures. Tous ces repas donnent satisfaction moins à l’appétit des passagers qu’à leur besoin de distraction.


Mardi 2 septembre.

Nous avons été suivis toute la journée par des marsouins qui sautaient élégamment. C’était charmant de les voir sortir de l’eau par groupes, décrire un demi-cercle et plonger de nouveau. Les matelots se sont aussi emparés d’un magnifique goëland. Plusieurs volaient à l’arrière du bateau dans l’espoir d’attraper quelques épaves bonnes à manger. On leur a tendu un simple fil dans lequel l’un d’eux s’est bientôt embarrassé et sa capture a été aisée. Croiriez-vous qu’à peine sur le pont, l’animal a eu le mal de mer ? Si on me l’avait dit, je ne l’aurais pas cru. Ça a été l’événement du jour bien entendu ; à table on ne parlait que de cela et toute l’après-midi, on a défilé devant la baignoire où le goëland avait été installé ! Mais il ne veut prendre aucune nourriture, paraît tantôt abattu, tantôt furieux et, sans doute, il ne tardera pas à mourir.


Mercredi 3 septembre.

Le goëland est mort : cela fait un passager de moins, mais par contre il y a une passagère de plus. Une petite fille est née cette nuit. Ses parents sont de pauvres émigrés Alsaciens qui s’en vont chercher dans le nouveau monde les ressources qu’ils ne peuvent trouver dans la vieille Europe. Le commandant, en qualité de « maire » de sa commune flottante, a dressé l’acte de naissance. Il n’a pas été très difficile de trouver un parrain et une marraine parmi les « premières classes » et d’ailleurs une collecte a produit