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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

secrets d’un passé majestueux, une rivalité coûteuse ne risquerait pas de s’établir entre l’empereur des Indes et l’empereur de Sibérie ; il s’agit d’autre chose. Le Thibet sépare l’Hindoustan de la Chine ; c’est tout le commerce d’un continent qui peut se faire par là ; hors de ce pont colossal, il n’y aurait eu qu’une passerelle sur la droite, par le haut Tonkin ; cette passerelle a été occupée par les Français, du temps que les Anglais s’occupaient en Égypte. Il n’y a plus à y revenir. Alors on se décide à prendre le taureau par les cornes et à tenter de se frayer un passage vers le nord. À tout prendre, l’intérêt de l’Angleterre en ces parages, est beaucoup plus vif que celui de la Russie. Mais la politique russe n’en consiste pas moins à prendre pied sur la future route anglaise ; c’est un Fachoda conçu et exécuté à temps, c’est un élément avantageux d’échange et de transaction pour l’avenir. Qui vivra verra.

I’n’a pus d’Panama.

Ce refrain de café-concert qui eut jadis sur nos boulevards, la même popularité que « En voulez-vous des z-’homards ? » est plus que jamais de saison. C’est au président Marroquin qu’il s’adresse, et son peuple peut le chanter sous les fenêtres de ce magistrat qui porte mal son nom et s’est montré « relié en veau ». Impossible d’avoir plus absurdement conduit la galère nationale ; il est vrai qu’elle n’est pas très facile à conduire et que, pour continuer la comparaison, le territoire de l’isthme Panamien était attaché à la Colombie, comme une chaloupe à un navire : le lien en était aisé à trancher et difficile à rétablir. D’inextricables forêts, des montagnes, des marécages fiévreux interceptent les communications terriennes entre Bogota et Panama ou Colon. La Colombie ne pourrait donc agir aujourd’hui que sur mer, et pour cela il faudrait que nulle force navale étrangère ne s’opposât à son action. Or, les États-Unis se sont empressés de reconnaître la petite république de Panama et de lui promettre aide et assistance. Rien à redire à cela, c’est tout simple. Il ne parait pas du tout que le cabinet de Washington ait suscité le mouvement séparatiste qui a abouti à la formation de cet état minuscule. Ce mouvement a été préparé par un ingénieur français, M. Buneau-Varilla, et exécuté de bon cœur, par les habitants de l’isthme. La conduite de ces derniers s’explique d’elle-même. Par ses absurdes tergiversations et l’espèce de chantage qu’il exerçait vis-à-vis des États-