moment où le fameux révolutionnaire Mazzini fondait les sociétés secrètes au moyen desquelles il se flattait de régénérer l’Europe — et sa patrie en particulier. On ne saurait dire que ce grand rêveur ait réussi à accélérer beaucoup les choses ; d’aucuns pensent même que loin de pousser à la roue, il y mit de nombreux bâtons. Le « risorgimento » (nom que les Italiens donnent à cette période de leur histoire qu’ils considèrent comme celle de la résurrection nationale) eut heureusement d’autres apôtres. Le prêtre Gioberti, le poète d’Azeglio, pour ne citer que ces deux là, firent assurément plus pour l’unification de l’Italie que les carbonari lesquels agitaient la foule et la poussaient à des entreprises prématurées tandis que c’était l’élite qu’il convenait de conquérir et de persuader ; plus consciente des difficultés que la foule, qui est toujours prompte à s’éprendre des idées simples, l’élite avait jusque là résisté ; de tels écrivains surent l’entraîner. Ce fut rapide et complet ; ainsi la révolution se préparait des chefs et des conseillers en même temps que des soldats. Aux approches de 1848, l’effervescence, encouragée par le libéralisme de Pie ix auquel avait accédé le grand-duc de Toscane, était à peu près générale ; Pise et Livourne sans se rebeller contre l’autorité du grand-duc portaient ouvertement les trois couleurs italiennes. Malgré ses hésitations et sa timidité, le roi Charles-Albert fit à son tour des concessions libérales et accorda le statut constitutionnel qui, étendu depuis à toute l’Italie, régit aujourd’hui le royaume. L’empereur d’Autriche menacé au cœur même de son empire par la révolution de Vienne et la rébellion Hongroise, dut évacuer Venise qui proclama la république et l’on eût bientôt le spectacle étrange et suggestif des armées de Toscane et de Naples se joignant aux soldats du pape et aux troupes piémontaises pour chasser les Autrichiens du reste de l’Italie ; partout, l’on avait arboré les couleurs italiennes et, contre l’étranger, l’union s’était faite. Ce fut un instant prestigieux. Il pouvait durer ; les Siciliens et les Mazziniens empêchèrent qu’il en fut ainsi. Les premiers à la poursuite d’une chimérique indépendance se séparèrent du royaume de Naples et élirent pour roi le duc de Gênes, fils de Charles-Albert lequel refusa pour son héritier ce trône chancelant ; et les seconds poussèrent, l’épée dans les reins, le gouvernement pontifical jusqu’à décourager la bonne volonté de Pie ix et à l’effrayer par leurs absurdes exigences. Le pape dut s’enfuir de Rome secrètement et cette nouvelle causa une intense émotion
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