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Page:Revue du Pays de Caux n5 novembre 1903.djvu/26

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REVUE DU PAYS DE CAUX

l’Italie pour s’apercevoir que l’état de choses existant était condamné et que la nationalité italienne était déjà une vérité.

Mais comment s’affirmerait-elle ? Toute la question était là. Les patriotes se tournaient vers le roi Victor-Emmanuel et il devenait probable qu’en effet la maison de Savoie jouerait le rôle principal dans les transformations prochaines. Mais encore ? Avait-elle la force et le prestige suffisants ? Cavour comprit qu’elle les aurait à la seule condition d’avoir remporté sur l’Autriche une victoire assez retentissante pour effacer Novare et Custozza, assez complète pour être suivie de l’annexion de la Lombardie ; sans cela, Victor-Emmanuel arriverait probablement à régner sur toute l’Italie, mais après combien d’années de soucis, de négociations et de lenteurs énervantes ? Il savait, cet homme au jugement si fin, la valeur de la fanfaronnade jadis lancée par Charles-Albert et inconsidérément répétée par la vanité italienne : l’Italia fara da se, l’Italie se libérera elle-même ! Elle n’a besoin de personne, elle fera bien ses affaires toute seule ! Cavour connaissait les ressources des collectivités en présence ; il sentait que la nationalité vainquerait à la longue, par sa seule force, mais qu’elle pouvait vaincre tout de suite avec des canons et que, le plus vite la besogne se ferait, le mieux cela vaudrait pour l’avenir. Et tout son élan tendit à ce but : se procurer l’allié puissant qui aiderait Victor-Emmanuel à battre les Autrichiens et, si Victor-Emmanuel était battu, couvrirait et cacherait sa défaite sous le poids de ses propres lauriers : de toutes façons, la cause italienne triompherait.

Le Piémont et sa politique possédaient les sympathies de l’Angleterre : sympathies platoniques qui se traduiraient peut-être par une pesée diplomatique sur les cours de l’Europe mais n’iraient certainement pas jusqu’à la participation d’une escadre à quelque expédition côtière contre le royaume des Deux-Siciles. Ce n’est pas le sud d’ailleurs qui inquiétait Cavour : il le savait mal gouverné et acculé pour ainsi dire à une révolution certaine. C’est sur le nord que se fixaient ses regards. Là, l’Angleterre était de nul secours ; elle n’avait point d’armée, partant aucun moyen d’atteindre l’Autriche ; quel eût été d’ailleurs son intérêt à provoquer une semblable lutte ? Restaient la France et la Prusse. Quelques années plus tard, Cavour eût hésité, mais on était au lendemain des événements de 1848 ; l’impression subsistait du refus opposé par le monarque prussien aux offres du parlement de Francfort tendant à restaurer, en sa faveur, la dignité impé-