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LA FRANCE ET L’ITALIE

riale ; l’unité allemande semblait avoir reçu là un coup terrible, sinon mortel ; on ne prévoyait point en Guillaume un futur empereur, et en Bismarck ne se révélait pas encore le chancelier de fer. En 1866, lorsque la Prusse attaquera l’Autriche, l’Italie la secondera et par ce moyen obtiendra la Venetie ; mais pouvait-on, en 1852, escompter Sadowa ? Ce fut donc vers la France que se tourna Cavour et il se résolut à faire de Napoléon iii le docile instrument de son génie. La participation — en apparence absurde — du Piémont à la guerre de Crimée lui fournit, par un dessein d’une justesse et d’une profondeur admirables, le moyen de participer au congrès de Paris et d’y introduire la question italienne. Dès lors, il eut barre sur Napoléon et commença de le « travailler » pour l’amener à ses fins.

Ici commence l’erreur fondamentale des Italiens. Ils constatent qu’après la fameuse entrevue de Plombières, un véritable traité secret fut conclu entre l’empereur des Français et le futur roi d’Italie. D’après ce traité ou les conventions accessoires, la France s’engageait à faire la guerre à l’Autriche pour l’obliger à évacuer le territoire italien et, en retour, il était convenu que la Savoie et le comté de Nice lui seraient cédés et que la sœur de Victor-Emmanuel ii épouserait le prince Jérôme Napoléon. La guerre eut lieu et le mariage aussi. L’empereur ne tint point ses promesses puisqu’il fit la paix avec l’Autriche en n’exigeant d’elle que le Milanais et non la Vénétie. Mais, d’autre part, il toléra ensuite les annexions des duchés de Parme, de Modène et de la Toscane. L’Italie paya donc le prix convenu, c’est-à-dire Nice et la Savoie ; et les deux puissances se trouvèrent quitte l’une envers l’autre.

Voilà qui est bien vite dit ; au point de vue français, ce n’était pas du tout la même chose d’avoir au nord de l’Italie un état fort et bien homogène, mais de rang secondaire et qui, menacé par l’Autriche, serait voué à l’alliance française permanente — ou de voir la péninsule entière se former en une grande nation appelée tôt ou tard à devenir un état de premier rang. Napoléon iii, à défaut d’autres qualités, posséda le sentiment exact des grands courants de son époque. Il comprit la force fatale des tendances d’unification en Allemagne et en Italie et leur légitimité. Il comprit également que si la France grandissait en proportion de ce qu’allaient grandir la Prusse et le Piémont, l’équilibre demeu-