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L’UNION LATINE

nir entre eux par des lignes de navigation les ports principaux ; vous verrez, qu’en somme, toutes les grandes routes fréquentées, tous les débouchés naturels, tous les entrepôts et les marchés habituels demeureront en dehors de vos tracés. Rien n’indique mieux à quel point le commerce, en se latinisant, s’étiolerait et dégénérerait.

La décadence mentale ne serait pas moindre si l’union latine ne devait constituer qu’une société d’admiration mutuelle entre les trois pays qui ont donné au monde le Dante, Cervantes et Victor Hugo. Fait d’ordre et de clarté, le génie latin coordonne et organise bien mieux qu’il ne crée. D’un bout à l’autre de l’histoire, on constate que tel a été son rôle ; que, replié sur lui-même, il s’est toujours desséché et que, superposé à d’autres génies, il a pu s’épanouir en de belles floraisons. Qui niera les influences salutaires qu’ont exercée chez nous, depuis cinquante ans, l’Allemagne sur les études scientifiques et l’Angleterre sur la pédagogie. Or, qu’avons-nous fait des enseignements tirés ainsi de par delà nos frontières ? Nous en avons émondé et approprié les principes, embelli et clarifié les aspects. Grâce aux méthodes Allemandes, nos savants ont apporté dans leurs travaux la scrupuleuse exactitude qui, jusque-là, leur faisait souvent défaut ; grâce à l’éducation anglaise, nos écoliers ont mené une existence plus saine et plus normale en même temps que la formation du caractère et l’accoutumance à la liberté ont conquis l’attention des pédagogues, trop exclusivement captivés auparavant par le seul souci du développement cérébral. Faut-il rappeler d’autre part combien les États-Unis ont agi sur nous au point de vue du sens des affaires, de l’esprit pratique, de l’habitude de la nouveauté et de l’initiative en matière commerciale ou industrielle ? S’imagine-t-on ce que serait la France actuelle si sa pédagogie s’était inspirée des idées italiennes ou son mercantilisme des habitudes espagnoles. En religion, en art, en toutes choses le contact des peuples non latins nous a été plus qu’utile et, certainement, l’exclusivisme intellectuel entre latins nous serait plus préjudiciable encore que l’union douanière.

Il va de soi qu’au point de vue politique et militaire un tel groupement n’aurait aucun sens. Si les marines de l’Espagne et