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roi d’Italie dont le renversement préalable serait nécessaire pour le réaliser, il faudrait encore chasser le roi Alphonse xiii auquel précisément l’hôte de la soirée devait, peu de semaines après, présenter ses lettres de créance. Mais l’orateur ne s’embarrassait point pour si peu. Il n’avait pas songé, non plus, que de cet « empire républicain latin » nulle bonne raison ne permettrait d’exclure les républiques latines du nouveau-monde… et la doctrine de Monroë, alors ? que dirait-elle ?

L’idée d’un empire latin, républicain ou non, ou pour mieux dire, d’une union latine entre les trois puissances méditerranéennes, n’est pas neuve. Elle a été maintes fois mise en avant ; elle a séduit de bons esprits ; elle a été défendue avec ardeur par des apôtres zélés ; rien d’étonnant à ce qu’elle se soit offerte à l’esprit d’un dîneur transatlantique, en cette circonstance spéciale.

Cela ne fait pas qu’elle soit plus réalisable ni surtout plus désirable.

Elle ne l’est pas, premièrement, au point de vue commercial. On parle parfois d’union du « commerce latin ». Qu’est-ce que c’est que cela ? C’est évidemment une union douanière, une sorte de Zollverein dont la France, l’Italie et l’Espagne fourniraient les éléments. Or, les trois pays ne produisent pas leur consommation c’est à dire que, tant pour la nature que pour la quantité des échanges, ils sont tributaires d’ailleurs. Localisés sur un coin, privilégié mais très restreint, de la planète, ils ne sauraient se suffire à eux mêmes. À peine l’empire britannique le pourrait-il, cet empire dont les territoires sont répandus sur toute la surface du globe et présentent les conditions climatériques et autres les plus variées. C’est précisément l’œuvre à laquelle travaille M. Chamberlain, et ses concitoyens sont d’accord pour admettre qu’une telle union douanière impliquerait une diminution certaine des gains commerciaux ; la question est de savoir si cette perte ne serait pas compensée par d’autres avantages ; mais il est trop évident que nulle nation, même avec ses dépendances coloniales — non plus que nulle région ne peuvent prospérer aujourd’hui, enfermées dans la muraille de Chine d’un protectionnisme absolu. La France, l’Italie, l’Espagne forment précisément une région géographique et économique distincte. Prenez le planisphère ; teintez de couleur uniforme les portions dites latines et cherchez à réu-