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Page:Revue du Pays de Caux n5 novembre 1903.djvu/9

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CE QUI SE PASSE DANS LE MONDE

lui fit l’an passé ; mais tout caractère de cordialité aura par avance été enlevé à cette démarche ; l’opinion ne pourra plus s’y méprendre. Et voilà ce qu’on a voulu.

Une victoire de Guillaume ii.

Qui a voulu cela ? l’empereur Guillaume. C’est lui dont les combinaisons ingénieuses ont trouvé, une fois de plus, en son frère, le prince Henri de Prusse, un intelligent intermédiaire. Beau-frère du tsar et séjournant avec lui à la cour de Darmstadt, le prince Henri a pu achever de l’influencer : Guillaume ii avait commencé à distance. Mais, direz-vous, en quoi peut-il déplaire à l’empereur d’Allemagne que l’on marque quelque empressement envers son allié le roi d’Italie ? Ô naïfs ! Ne sentez-vous point que l’Europe est en travail de combinaisons nouvelles et que la question qui prime toutes les autres en ce moment, c’est de savoir comment l’Allemagne sortira de son isolement, car elle est isolée. Les Allemands se sont montrés incapables de suivre leur empereur, de le comprendre et de l’aider. Ils ont, à force de mauvais procédés, dressé l’opinion anglaise contre eux et rejeté l’Angleterre vers la France, déjà alliée de la Russie et réconciliée avec l’Italie. Que restera-t-il à l’Allemagne ? L’Autriche affaiblie, déchirée, à la veille, peut-être, d’un cataclysme ? Cela ne saurait suffire, et le fécond génie de Guillaume ii s’emploie à jeter les bases d’un nouveau groupement entre les trois empires du centre, le sien, celui de François-Joseph et celui de Nicolas ii. Il veut en arriver à ce que la Russie soit à l’égard de la France ce que l’Italie est devenue à l’égard de l’Allemagne : une alliée de nom mais pas de fait. Les textes subsistent ; le cœur n’y est plus. Que subsiste le texte du traité franco-russe ; ce sera une garantie de plus pour la paix que chacun désire ; mais Guillaume ii se flatte, en nous laissant la main de notre alliée, de nous prendre son cœur, et c’est pourquoi il fait appel aux sentiments de solidarité monarchique et de conservatisme social auxquels un empereur de Russie ne saurait être insensible. On sait depuis quelque temps déjà que ses avances sont accueillies jusqu’à un certain point. L’ajournement du voyage à Rome a été une grande victoire ; l’entrevue de Wiesbaden en fut une autre, palliée autant que possible, à l’avance, par le séjour du chancelier russe, le comte Lamsdorf, à Paris. M. Delcassé, à qui rien n’échappe et qui est