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En 1825, les conseils généraux votent pour 5,915,744 fr. d’allocations, et, à la fin de l’année, le déficit constaté est de 230,418 fr. Pour comble de malheur, le régime hygiénique des hospices s’améliore de jour en jour ! Les progrès de l’hygiène devenant une calamité ! Quel état social, grand Dieu ! Que faire donc, encore une fois ? On a imaginé de réduire toute mère qui irait déposer son enfant à l’hospice, à l’humiliante obligation de prendre un commissaire de police pour confesseur. Belle invention, vraiment ! Que peut donc gagner la société à ce que les femmes s’accoutument à ne plus rougir ? Quand toute imprudence de jeunesse aura obtenu son visa, ou que tout acte de libertinage aura pris son passavant : qu’arrivera-t-il ? Que le frein établi par la nécessité de cette confession douloureuse sera bientôt brisé par l’habitude ; que les femmes feront ainsi leur éducation d’effronterie, et qu’après avoir consacré l’oubli de la chasteté, l’autorité publique aura scellé de son sceau la violation de toutes les lois de la pudeur ! Mieux vaudrait presque supprimer les tours ; c’est ce que beaucoup osent demander. Vœu impie ! Ah ! vous trouvez que le chiffre des centimes additionnels grossit, Messieurs ? c’est possible ; mais nous ne voulons pas, nous, que le nombre des infanticides augmente. Ah ! la charge qui pèse sur vos budgets vous épouvante ? Mais nous disons, nous, que puisque les filles du peuple ne trouvent pas dans leur salaire de quoi vivre, il est juste que ce que vous gagnez d’un côté vous le perdiez fatalement de l’autre. Mais la Famille s’en va de la sorte ? Eh, sans doute ; avisez-donc à ce que le travail soit réorganisé. Car, je le répète : avec la concurrence, l’extrême misère ; avec l’extrême misère, la dissolution de la famille. Chose singulière ! les partisans de ce régime tremblent devant l’ombre d’une innovation, et ils ne s’aperçoivent pas que le maintien de ce régime les pousse par une pente naturelle et irrésistible à la plus audacieuse des innovations modernes, au saint-simonisme !

Un des résultats les plus hideux du régime industriel que nous combattons est l’entassement des enfants dans lus fabriques. « En France, lisons-nous dans une pétition adressée aux chambres par des philanthropes de Mulhouse, on admet dans les filatures de coton et dans les autres établissements industriels des enfants de tout âge ; nous y avons vu des enfants de cinq et de six ans. Le nombre d’heures de travail est le même pour tous, grands et petits ; on ne travaille jamais moins de treize heures et demie par jour dans les filatures, sauf les cas de crise commerciale. Traversez une ville d’industrie à cinq heures du matin et regardez la population qui se presse à l’entrée des filatures ! vous verrez de malheureux enfants, pâles, chétifs, rabougris, à l’œil terne, aux joues livides, ayant peine à respirer, marchant le dos voûté comme des vieillards. Écoutez les entretiens de ces enfans, leur voix est rauque, sourde et comme voilée par les miasmes impurs qu’il respirent dans les