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bien ! c’est par la concurrence illimitée que nous voyons aujourd’hui la bourgeoisie périr. J’ai deux millions, dites-vous ; mon rival n’en a qu’un : dans le champ clos de l’industrie, et avec l’arme du bon marché, je le ruinerai à coup sûr. Homme lâche et insensé ! ne comprenez-vous pas que demain, s’armant contre vous de vos propres armes, quelque impitoyable Rothschild vous ruinera ? Aurez-vous alors le front de vous plaindre ? Dans cet abominable système de luttes quotidiennes, l’industrie moyenne a dévoré la petite industrie. Victoires de Pyrrhus car voilà qu’elle est dévorée à son tour par l’industrie en grand, qui, elle-même, forcée de poursuivre aux extrémités du monde des consommateurs inconnus, ne sera bientôt plus qu’un jeu de hasard qui, comme tous les jeux de hasard, finira pour les uns par la friponnerie, pour les autres par le suicide. La tyrannie n’est pas seulement odieuse : elle est bête. Pas d’intelligence où il n’y a pas d’entrailles.

Prouvons donc :

1° Que la concurrence est pour le peuple un système d’extermination ;

2° Que la concurrence est pour la bourgeoisie une cause sans cesse agissante d’appauvrissement et de ruine.

Cette démonstration faite, il en résultera clairement que tous les intérêts sont solidaires, et qu’une réforme sociale est pour tous les membres de la société, sans exception, un moyen de salut.


II. LA CONCURRENCE EST POUR LE PEUPLE UN SYSTÈME D’EXTERMINATION.


Le pauvre est-il un membre ou un ennemi de la société ? Qu’on réponde. Il trouve tout autour de lui le sol occupé.

Peut-il semer la terre pour son propre compte ? Non, parce que le droit de premier occupant est devenu droit de propriété.

Peut-il cueillir les fruits que la main de Dieu a fait mûrir sur le passage des hommes  ? Non, parce que, de même que le sol, les fruits ont été appropriés.

Peut-il se livrer à la chasse ou à la pêche ? Non, parce que cela constitue un droit que le gouvernement afferme.

Peut-il puiser de l’eau à une fontaine enclavée dans un champ ? Non, parce que lo propriétaire du champ est, en vertu du droit d’accession, propriétaire de la fontaine.

Peut-il, mourant de faim et de soif, tendre la main à la pitié de ses semblables ? Non, parce qu’il y a des lois contre la mendicité.

Peut-il, épuisé de fatigue et manquant d’asile, s’endormir sur le pave’ des rues ? Non, parce qu’il y a des lois contre le vagabondage.