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Page:Revue fantaisiste numéros 1 à 6, 1861.djvu/159

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LA DAME DE CŒUR[1]

(Extrait des Confessions d’un Vieil Enfant, ouvrage inédit.)


C’est un modèle d’esprit, de grâce et de bonté que ma petite chienne Mignonnette. Je l’ai appelée ainsi en mémoire de Mignon, cette délicieuse création poétique que vous savez ; Mignon, enfant volée par un bohémien qui la faisait danser à coups de bâton sur les œufs et sur la corde. C’est que ma petite chienne aussi, avant de m’appartenir, avait couru le monde avec des bateleurs, l’infortunée ! Eh bien ! je fus un jour aussi cruel que le bohémien ; un jour il m’arriva de battre Mignonnette… Oh ! c’est qu’alors j’étais fou, fou de misère et d’orgueil, fou de mes dix-sept ans ! Si fou que je faillis deux fois me faire tuer de grand cœur pour des niaiseries. La première de ces niaiseries, il m’en souvient, était un petit cotillon que j’avais vu danser à la chaumière ; la seconde, j’en ris encore quand j’y pense, était une guenille blanche, bleue et rouge, qu’on promenait dans la rue au bout d’une perche, j’ai oublié pourquoi. Un jour surtout, jour néfaste de ma vie, il y aurait eu plaisir et profit, pour un observateur en quête d’un ridicule, à me voir marcher de long en large dans une allée déserte du Luxembourg,

  1. Cette nouvelle, publiée du vivant de l’auteur, dans un journal de modes, est reproduite ici pour la première fois.