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Page:Revue générale - volume 85, 1907.djvu/10

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I.

Je n’ai pas l’intention de reprendre ici par le menu l’examen du problème : je l’ai fait il y a un peu plus de vingt ans ; j’ai examiné alors l’instruction obligatoire dans ses origines, dans ses applications, ainsi qu’en elle-même, et je crois pouvoir renvoyer le lecteur aux développements que j’ai présentés[1] ; ils ne me paraissent pas avoir vieilli, et, par suite, j’estime qu’il me suffira de mettre en relief quelques aspects de la question qui répondent directement aux polémiques du jour.

En principe, je reste très peu sympathique aux thèses obligatoires. Je sais que l’on invoque, à titre d’exemples, les sertudes dont l’homme est frappé dans l’intérêt de l’État et de la société, et je ne songe pas à contester la nécessité de la plupart d’entr’elles. Mais ce n’est pas une raison pour les étendre à des domaines où elles peuvent être évitées. Dans les pays modernes, profondément divisés de doctrines, d’opinions et de sentiments, et où l’État est entre les mains d’un parti, l’obligation peut glisser aisément, à l’aide de mesures législatives ou administratives, sur la pente de la tyrannie.

Si donc je voulais ici me placer sur le terrain des thèses, mon agrément serait difficile à obtenir. Dans l’histoire de l’humanité, deux principes en cette matière se disputent la suprématie : le principe de l’antiquité païenne, déjà proclamé par Lycurgue, d’après lequel les enfants appartiennent à l’État avant d’appartenir aux parents, et le principe chrétien, en vertu duquel les parents sont responsables de leurs enfants et ont par suite à diriger leur éducation.

En vain invoque-t-on l’utilité de l’instruction et les avantages qu’elle procure à la société et aux individus. Si l’État était en droit de l’imposer à raison de motifs de ce genre, de quelles prérogatives ne serait-il investi ! La religion est aussi salutaire à la société qu’aux citoyens ; est-ce une raison suffisante pour qu’elle soit imposée ? Le pain est nécessaire à l’homme : s’ensuit-il que l’État doive le fabriquer et le distribuer ?

  1. Belgique. (Vingt ans de polémique, t. II, p. 76).