Page:Revue générale des sciences pures et appliquées, année 15, numéro 9, 1904.djvu/15

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gnements distincts, pas plus que le cours de Physique et les manipulations.

Si je me permets d’insister sur les inconvénients du système actuel, c’est que j’ai eu l’occasion de voir de près, tout récemment, les conséquences absurdes auxquelles il conduit. Je pourrais citer une classe de Mathématiques élémentaires où les élèves ont dû faire, pour leur professeur de dessin géométrique, des constructions de coniques, de tangentes aux coniques, etc., plusieurs mois avant que l’on ait pu parler des coniques dans le cours de Géométrie ; ces constructions étaient faites d’après les explications données par le professeur de dessin, explications purement graphiques, sans aucune justification théorique. On voudrait croire que cet exemple est isolé ; mais il est une trop naturelle conséquence de l’organisation actuelle pour qu’on puisse l’espérer.

Faut-il bouleverser complètement cette organisation ? Ce n’est, sans doute, pas possible ; ajoutons que cela ne paraît pas désirable. Tous les professeurs de Mathématiques n’ont pas le goût, ni même peut-être la compétence, d’enseigner ce qu’on peut appeler la partie technique du dessin géométrique ; il n’y a pas d’inconvénients, surtout dans les classes élevées, à confier cet enseignement, soit à un spécialiste, soit à celui des professeurs de Mathématiques du lycée qui s’y intéresse le plus. Seulement on devrait admettre, comme un principe essentiel, que la haute direction de cet enseignement appartient, pour chaque classe, au professeur qui enseigne la Géométrie dans cette classe ; de même que, dans tout enseignement de Physique ou de Chimie où le professeur ne dirige pas lui-même les manipulations, c’est d’après ses instructions qu’on doit les organiser ; il paraîtrait absurde de les confier à un préparateur qui ferait faire des expériences d’électricité pendant que les élèves suivraient un cours d’optique. C’est cependant ce qui se fait en Géométrie.

Une question liée à la précédente est celle de la sanction à donner aux exercices pratiques. Dans le système actuel, ils sont jugés presque exclusivement au point de vue de la pureté et de la régularité du trait ; comme conséquence assez naturelle, il y a un prix spécial de dessin graphique, tout à fait indépendant du prix de Géométrie. Pour des raisons déjà dites à propos des calculs numériques, ce système n’est pas bon ; on aperçoit, d’ailleurs, plusieurs moyens de le modifier ; indiquons-en quelques-uns, sans avoir la prétention de soumettre tous les élèves, quel que soit leur âge et le but qu’ils poursuivent, à un régime uniforme.

On peut cependant énoncer un principe général, sur lequel, je pense, nous tomberons d’accord : on doit tenir très grand compte, dans l’appréciation du dessin géométrique, de ce que l’on peut appeler son exécution technique ; il y aurait, à négliger ce point, de graves inconvénients, sur lesquels il est inutile d’insister. Mais cette exécution technique comporte deux qualités ; d’une part, l’aspect extérieur du dessin, pour celui qui y voit simplement des lignes qui s’entrecroisent ; d’autre part, l’exactitude et la précision des constructions. Ces deux qualités sont, d’ailleurs, très étroitement liées l’une à l’autre ; c’est par le soin apporté au tracé des lignes qu’on arrive à la précision, et, inversement, si le dessin n’est pas précis, si trois lignes qui devraient concourir ne concourent pas exactement, son aspect extérieur en souffre. Certains correcteurs paraissent avoir une tendance regrettable à ne pas tenir compte du défaut de précision, lorsque l’aspect extérieur n’en souffre pas ; il semble qu’il y ait là une interversion fâcheuse ; les soins matériels d’exécution n’ont pas d’intérêt en eux-mêmes ; ils ne sont pas une fin en soi ; s’ils sont indispensables, c’est uniquement parce qu’ils sont la condition nécessaire de la précision des constructions ; c’est à cette précision que l’on doit tenir par dessus tout.

Ce point acquis, on peut concevoir, comme je l’ai dit tout à l’heure, bien des moyens de mêler plus intimement, dans les compositions et l’obtention des prix, le dessin géométrique à la Géométrie. On pourrait incorporer dans chaque composition de géométrie une construction graphique à exécuter avec soin, et tenir sérieusement compte de cette partie de la composition dans son appréciation totale. On pourrait aussi noter chaque dessin géométrique à un triple point de vue : aspect extérieur, précision et exactitude des constructions employées, ces notes étant combinées suivant une loi à déterminer. Mais je n’insiste pas sur ces détails d’exécution, ne tenant nullement aux solutions particulières que j’indique, pourvu que la barrière qui sépare le dessin géométrique de la Géométrie disparaisse le plus vite possible.

C’est surtout dans l’enseignement des éléments de la Géométrie que le dessin peut rendre de grands services. On devine sans peine que je ne demande pas qu’on ajoute quelques heures de dessin graphique aux programmes des classes de la sixième à la troisième. Mais, dans les heures consacrées à la Géométrie, on peut apprendre aux élèves à se servir d’un compas, d’une équerre, d’un tire-ligne, et, comme devoirs de Mathématiques, leur donner de temps en temps des dessins géométriques, de même que, comme devoirs de Géographie, on leur donne des cartes. Les exercices pratiques pourraient être très utilement mêlés de calculs numériques ; le théorème de Pythagore, les polygones réguliers, etc., fournissent de nombreux exemples