Page:Revue historique - 1893 - tome 53.djvu/285

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comte Philippe avant d’avoir assuré l’acquisition du pays en deçà du Fossé-Neuf. Il invita tous ses vassaux à venir à Sens le 8 juin, jour de la Pentecôte, pour y assister à son couronnement et à celui de sa femme[1]. Les prétentions de l’archevêque Guillaume de Reims étaient écartées par la force des choses.

L’édit de convocation ne laissait aucun doute sur la volonté du roi. Les ennemis de la Flandre allaient voir sous peu sur le trône de France la nièce du premier conseiller qui ne pouvait manquer d’être l’instrument docile de ses visées ambitieuses. Au dernier moment, ils résolurent d’empêcher la cérémonie de Sens par un coup de main. Nous regrettons beaucoup de n’avoir à ce sujet que des indices très vagues, mais il est certain que le comte de Flandre craignit que le sacre et couronnement d’Isabelle ne fût rendu impossible par quelque incident imprévu, et persuada au roi d’avancer le terme fixé. La ville de Sens, située si près de la frontière champenoise, ne parut pas offrir toutes les garanties de sûreté désirables. L’archevêque Gui fut donc prié de se rendre à Saint-Denis. La célèbre abbaye n’était que peu éloignée du Valois, qui appartenait alors au comte, du chef de sa femme Marguerite de Vermandois. Comme elle n’était soumise ni à la juridiction de l’archevêché ni à celle de l’évêché de Paris, Gui dut au préalable promettre aux moines par une charte que sa visite ne lui donnerait aucun droit[2].

Le 29 mai 1180, jour de l’Ascension, aussitôt après le lever du soleil. Gui oignit et couronna Isabelle avec l’assistance de deux suffragants, des évêques Maurice de Paris et Manassé d’Orléans. Conformément à la coutume que Louis VII avait observée à ses trois mariages, Philippe-Auguste se fit couronner pour la seconde fois. Vêtue d’une robe de drap d’or, cadeau de son époux, Isabelle était agenouillée à côté de lui lorsque l’archevêque les bénit. Baudouin et le comte Philippe étaient présents ; ce dernier porta de nouveau l’épée royale. Une foule considérable se pressait dans l’église et y occasionna des désordres[3].

  1. Gesta, I, p. 245 ; Walker, p. 12.
  2. Guillaume de Nangis, Rec., XX, p. 739 ; Inst., Il, p. 95, note 3.
  3. Gesta, I, p. 245 et 246. Gilbert, p. 121, Cont. Aquic., a. 1180. Raoul de Dicet, II, p. 5. Robert de Torigni, a. 1181. Rigord, g 10. Enlin une Notice provenant de Saint-Denis qui offre des ressemblances avec le texte de Rigord, mais ne m’est connue que par Vredius, Geneal. com. Flandr., Prob., I, p. 259, où elle porte le titre : « Ex arch. S. Dionysii prope Paris., » fol. 1232. Walker, p. 13.